→ LIVRES/MUSÉES

ANARCHIE!

Anarchie je veux un toit 280
«Je veux un toit pour chaque famille, du pain pour chaque bouche, de l'éducation pour chaque cœur, de la lumière pour chaque intelligence». Affiche, vers 1927 | Bartolomeo Vanzetti, Genève: Réveil-Risveglio | © CIRA Lausanne

Anarchie jura 280Le Bulletin de la Fédération jurassienne- Le Jura, terreau fertile de l'anarchisme.

Anarchie 3 280

Wählen Sie sich selbst! Täglich! | Affiche. Bienne, Autonome Kommune, 1983 | © CIRA Lausanne
Anarchie Bakounine par Vallotton 280
Bakounine par Félix Vallotton, dans la Revue Blanche.


FAITS HISTORIQUES, TEXTES ET FIGURES DE ROMANS,  POSITIONS ACTUELLES

Texte: Sandrine Charlot Zinsli


Strauhof
Augustinergasse 9
CH-8001 Zürich
T +41 44 221 93 51
www.strauhof.ch

Vernissage:
le 9 juin, à 18h30

L'exposition dure jusqu'au 4 septembre 2016.

Dans notre agenda, ici.


→ PRINT


UN CHANTIER
Cela sent bon le bois fraichement coupé, comme dans un atelier de menuisier ou sur un chantier.  L’exposition consacrée à l’anarchie, et qui ouvre ses portes demain au Strauhof, n’est en effet pas un produit fini, avec parcours fléché ou chronologique. Si elle nous fournit certains matériaux de base, elle attend du visiteur qu’il enrichisse la salle des archives par des envois, qu’il choisisse parmi les 34 positions proposées et qu’il se construise sa propre approche. Vous êtes donc invité à ajouter votre grain de sable. 

TOUFFU   
Les commissaires de l’exposition, Philip Sippel et Annette Amberg, sont partis d’une pensée de Camus sur l’homme révolté, à savoir un homme qui dit non, certes, mais qui, s’il refuse, ne renonce pas pour autant. Un peu donc comme le cancre de Jacques Prévert qui dit non avec la tête mais oui avec le cœur. Ils ont opté pour une démarche participative faisant entendre une grande diversité de voix, tout en mettant l’accent sur le constructif, la capacité de propositions des mouvements anarchistes plus que le chaos auquel ils sont généralement associés. C’est clair, assez simple et sec dans le concept avec 34 histoires racontées de façon différente par 34 personnalités invitées et qui se sont vues confier le même mandat: choisir un texte (littéraire), un objet et leur apporter un commentaire. Le résultat est bluffant, touffu et fortement différent de l’un à l’autre. Il y a de la poésie et de l’humour, des faits historiques et des textes littéraires, de la verve et du verbe, et surtout heureusement des prises de position actuelles.

DU CYBERSPACE AU CANTON DE ZOUG
L’artiste Valentina Vetturi dans le «Corridor of Cyberspace» explore la crypto-anarchie et tout ce qui lui est lié, de la démarche des hackers à la monnaie virtuelle. Tilo Steireif nous livre son journal personnel sur l’avant-garde de la jeunesse, merveilleux document richement illustré et qu’on aurait envie de ramener à la maison. Le plus radical est peut-être Jürg Halter avec sa boîte aux lettres Truth Trusts du canton de Zoug. Pour lui, les avocats d’affaires et les administrations fiscales ont perverti l’idée d’anarchie en détachant les idéaux de liberté et d’autodétermination de l’obligation de responsabilité sociale vis-à-vis de la communauté. En autorisant des manipulations juridiques, le canton a perdu son âme. Jürg Halter est à retrouver ce soir, lors du vernissage. 

HISTOIRES
Parmi les acteurs de ces narrations, on en reconnaît bien sûr certains, comme les russes Kropotkin ou encore Bakounine. Mais la curatrice du Kunsthaus Cathérine Hug nous étonne en dévoilant le nom du créateur de la xylographie de Bakounine parue dans la revue blanche qu'elle a choisie de présenter. C’est en effet Félix Vallotton qui a réalisé le portrait de celui qui a fondé la fédération anarchiste de Jura à Sonvilier.
Quant au jeune réalisateur Cyril Schäublin, il met en scène le texte écrit par Kropotkine dans son journal en 1887, après sa visite du Jura bernois et sa découverte des mouvements d’autogestion ouvrière dans l’horlogerie. Retournant sur les lieux, il y filme d’anciens ouvriers horlogers lui parlant du temps qui passe et de leur travail qui continue à les obséder. «Le réglage, c’est le cœur de la montre», cette vieille femme aux doigts déformés qui prononce cette phrase possède un savoir qui n’est plus utile. Les fabriques ont fermé, une partie de l’activité économique a cessé, et de nombreux magasins ont plié bagages. Ça sent la ville fantôme dans cette région du Jura qui fut un terreau fertile pour le bouillonnement anarchiste de la seconde moitié du 19ème siècle.   

TU CONNAIS WILLIAM MORRIS? 
On découvre également beaucoup d’autres personnages attachants, du chevalier errant Zo d’Axa, un descendant de la Pérouse, à l’écolo-entrepreneur William Morris en passant par le chansonnier Paul Paillette. Peut-être devrait-on même ajouter les saucisses fumées de Zwingli et la longue et non moins importante liste des anonymes.   
A l’exposition elle-même vient s’ajouter un riche programme d’accompagnement avec des ateliers Wikipedia ou BD, des rencontres et des témoignages comme celui de P. M., alias Hans Widmer.

L’exposition ne colle-t-elle pas à notre époque, car indirectement elle pose la question, dans quel monde voulons-nous vraiment vivre? Devons-nous accepter l’ordre actuel ou imaginer des alternatives possibles? (SCZ - 09/06/2016)