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L'AMOUR EST UN CRIME PARFAIT

Amour crime parfait  Marc Mathieu Amalric avec Annie Sara Forestier qui sest refait les lèvres en rouge vif durant le cours 280

amour crime parfait   Anna Maïwenn la belle-mère de la jeune disparue

amour crime parfait Richard Denis Poldalydes et Anna en train de visionner un film en 3D au chalet


L'AMOUR, TERRAIN PRIVILÉGIÉ POUR ÉTUDIER LES PULSIONS

Texte: Valérie Lobsiger


Un film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Avec Mathieu Amalric, Karin Viard, Maïwenn, France 2013, 110'

Le 5e film de la série French Touch.

Sur les écrans suisses alémaniques dès le 10 juillet 2014.


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Marc (Mathieu Amalric) saute des filles dont il ignore jusqu'au prénom. Ce personnage qui n’a clairement qu’un but, jouir des femmes, paraît en permanence couver un volcan, au propre (on a toujours l’impression qu’il va sauter à la gorge des gens, notamment à celle de Richard (Denis Podalydes), le responsable du département littérature), comme au figuré (il fume en permanence et, quand il ne fume pas, il vapote). Comme les pédérastes qui s’arrangent, de par leur profession, pour avoir à portée de main un vivier où puiser en cas de besoin, Marc enseigne la littérature de manière très civilisée (dans une université aux amphis tout en verre qui se trouve être dans la réalité la belle école polytechnique de Lausanne), une matière qui attire en majorité les jeunes filles. Au matin d’une nuit passée avec l’une d’entre elles dans son chalet retiré dans les neiges, il découvre qu’elle est morte et décide de faire disparaître le corps. Il n’a pas l’air de se douter outre mesure que, vu sa réputation, tous les soupçons convergent vers lui. Mis sous pression par sa sœur Marianne (Karin Viard), avec laquelle il partage le chalet (et parfois le lit), et par Annie, une sauvageonne qui lui court après («je suis totalement épilée et je peux vous aider à retrouver votre équilibre si vous voulez»), il trouve le réconfort auprès d’Anna (Maïwenn), la belle-mère de la jeune disparue qui se révèle moins inoffensive qu’elle en a l’air…

Amalrich, la coqueluche de ces Messieurs-Dames.
Dans son regard brûlant, intense et mystérieux, toute la gamme des émotions. Pas étonnant que les réalisateurs se l’arrachent. Il interprète dans le dernier film des frères Larrieu un provocant professeur de littérature (du signe zodiacal du scorpion !) dont toutes les femmes s’entichent. Parce qu’il les dévore du regard tout en semblant leur promettre les plus exquises délices, qu’il fait écho à leur sensibilité, qu’il est drôle et manie bien la langue et les idées, Marc, au mitan de la quarantaine, n’a que l’embarras du choix. Pourtant, vu l’empressement de la gente féminine, on a plutôt l’impression qu’il cède à la tentation et est plus victime que prédateur (tant la sœur, la mère, la fille y mettent de l’insistance). Or il ne fait pas toujours bon réveiller la bête qui sommeille dans l’inconnu d’un soir, surtout quand il vous mène à sa tanière… Ce qu’évoquent aussi bien la vision épisodique d’un loup fugitif que les splendides images d’une nature indomptée crevant l’écran.

Le film a été tourné pour sa plus grande part dans les montagnes du pays de Vaud au printemps. La fonte des neiges, abondantes, révèle de sacrés abîmes au fond desquels il est aisé de déraper. Tiré du roman «Incidences» de Philippe Djian, c’est, à l’image du livre, un polar sans l’être car on ne prend connaissance de l’enquête policière qu’en toute fin. Par contre, la «tension sexuelle» (selon le terme d’Arnaud Larrieu), bien présente, y atteint un paroxysme qui ne laisse pas indifférent (tout comme dans «La chambre bleue», le dernier film de Mathieu Amalric. Voir notre interview à ce sujet sous la rubrique article). Jean-Marie Larrieu déclare d’ailleurs avoir exploré «un monde de signaux et de pulsions, en deçà de la psychologie» et voulu «l’opposition entre un monde primitif, quasi animal et un monde contemporain, ultra sophistiqué». Celle-ci saute aux yeux dès le premier quart d’heure. On entre facilement dans la peau de Marc et on expérimente, fasciné, cette part animale qu’on partage avec lui, reléguée plus ou moins profondément en nous.