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NORMANDIE NUE

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TOUT LE VILLAGE SUR UN CHAMP... ET NU COMME UN VER!

Texte: Valérie Lobsiger


NORMANDIE NUE
DE PHILPPE LE GUAY (FR.2018, 109’)

SORTIE LE 30.08.2018


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TOUT LE VILLAGE A POIL sur un champ, histoire de frapper les esprits pour signifier: «on nous a tout pris.» Voilà l’idée qui vient à Balbuzard (François Cluzet) maire du Mêle-sur-Sarthe, bourgade de Normandie (qui, avec 770 habitants, existe réellement). La population, majoritairement paysanne, subit la baisse du prix du lait et de la viande dans l’indifférence et les faillites s’enchaînent (cf la scène de saisie d’un tracteur et d’une faneuse qui rappelle l’actualité brûlante du sujet). Ce projet a été suggéré par Blake Newman (intriguant Toby Jones), un photographe américain spécialiste des foules dénudées tombé en arrêt face au champ Chollet.

LES OBSTACLES SONT NOMBREUX, comme dans tout bon synopsis. Le premier est de taille: Maurice (Patrick d’Assumçao) et Eugène (Philippe Rebbot) se disputent la propriété du champ Chollet, se lançant à la figure des haines de famille ancestrales. Eugène accueille les Amerlos à coup de fusil. Maurice, refusant de poser nu, répète avec un peu trop d’insistance, qu’«il n’a rien à cacher». Mais d’autres difficultés surgissent: comment vaincre la pudeur des villageois? Comment calmer le boucher (Grégory Gadebois, inquiétant à souhait) qui tourne fou à l’idée qu’on dénude sa plantureuse moitié? Comment contre-carrer le fielleux pharmacien qui incite à la résistance entre deux conseils derrière son comptoir… Balbu a du pain sur la planche, courant de l’un à l’autre pour tenter de vaincre les résistances, d’où des dialogues amusants (à Eugène: «tu vas en vacances dans des camps de naturistes et tu refuses de baisser ton falzard?». Au pharmacien catholique, bible à l’appui: «L’homme et la femme étaient nus et ils n’avaient pas honte.»)

MALGRE LA DÉTRESSE de la population, une chose est certaine: on ne se laissera aller ni au vandalisme, ni à la violence. Le film, peut-être un poil trop correct parce qu’il veut brasser large, démontre assez qu’une vitrine taguée («à poil Gisèle!») peut vite friser le drame. L’activisme antispéciste est pareillement montré du doigt à travers la jeune Chloé (Pili Groyne) qui, se languissant de la vie à Paris à cause d’un père bobo revenu à la nature, est prête à égorger les égorgeurs d’animaux. Dans dix ans, elle prédit de façon grandiloquente qu’il n’y aura plus ni viande, ni boucher et qu’on crèvera à cause des effets de serre. On ne sait qui l’emportera et, comme le réalisateur, on comprend tout le monde. En attendant, il n’est pas interdit de compatir au sort des éleveurs. On espère en tout cas, maigre consolation, que le tournage aura rendu ce coin de Normandie touristique.

(VL - 25/07/2018)

PS: Si comme moi, vous vous demandez de quel artiste réel ce Newman est inspiré, ne cherchez plus : il s’agit de Spencer Tunick, le photographe américain qui, de Melbourne à Sao Paulo, immortalise en les déshabillant des milliers de volontaires.