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!ÏNOUÏ!

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Michelangelo (1475-1564), Piété, Basilique Saint-Pierre du Vatican

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MENU DE PÂQUES POUR LES OREILLES 4/5

Texte: Nathalie Musardo Sigrist


Ami lecteur, amie lectrice, ouvre grand tes oreilles. Installe-toi confortablement, détends-toi, ferme les yeux... Enfin peut-être un seul si tu veux poursuivre ta lecture. Pour !ÏNOUIÏ!, notre chronique sporadique de musique classique/jazz, mais pas que, Aux arts etc. te prend par la main et te propose de découvrir des contrées inexplorées. Ça ne fera pas mal et ce sera rien moins que passionnant, émouvant, enrichissant. 

Au fil de l'actualité ou au hasard du coup de cœur totalement subjectif, nous présentons à tes oreilles avides des enregistrements d'œuvres époustouflantes réalisés par des artistes admirables, des révélations formidables, des interprétations inégalables. 

Nous te recommandons vivement de cliquer sur les liens (marqués ainsi >>) en lisant ces lignes, ce sera beaucoup plus parlant. 

En ces temps perturbés et confinés, à défaut de pouvoir courir chez ton disquaire préféré, shoppe en ligne, télécharge ou streame. Équipe-toi d'un bon fauteuil et de haut-parleurs ou d'un casque dignes de tes écoutilles et de ces lieux enchantés où nous t'emmenons.


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C'est un Carême, un temps de pénitence en temps de pandémie, dont on se souviendra. Alors que la musique sacrée de la Semaine Sainte est foisonnante, l'ascèse sociale et culturelle que nous vivons en ce printemps la réduit, comme toute la création artistique, au silence des églises et salles de concerts vides et verrouillées. Pour accompagner ces jours particuliers, voici une playlist pascale, un agenda musical virtuel dont les cinq rendez-vous se déroulent dans ton salon. 

SAMEDI, QUELQUES PENSÉES POUR MARIE

«La Mère était debout, en douleur» sont les premiers mots du poème sur lequel sont composés les Stabat mater. On le doit à Jacopone da Todi, moine franciscain du XIIIe s. C'était l'époque d'une nouvelle forme de piété, dans laquelle la Vierge incarne de plus en plus le lien entre Jésus et les hommes, où l'on commence à la considérer comme la mère spirituelle de l'humanité. On a aussi reconnu
officiellement lors d'un concile régional dans le Sud de la France que les femmes avaient une âme...

De manière très empathique, on s'identifie dans ce poème à la souffrance de la mère du Christ, d'essence humaine, devant son fils mort, d'essence divine. Un des Stabat mater les plus fameux, avec ceux de Vivaldi, Rossini, Dvorak ou Poulenc, est celui de Giovanni Battista Pergolesi.

En 1736, Pergolesi avait 26 ans et une carrière déjà bien lancée à Naples, quand, sa santé déclinant, il s'installa au monastère et y composa ce bijou, juste avant de mourir de la tuberculose. Le mythe était né, on s'arrachait ses œuvres dans toute l'Europe, au point de lui en attribuer de nombreuses qu'il n'avait jamais composées. Quoi qu'il en soit, ce sublime Stabat mater >>, cet opéra miniature, céleste et pourtant profondément humain, en a inspiré beaucoup d'autres, mais est bel et bien de lui.

La boucle entre les Lamentations de Jérémie et la douleur de la Vierge est bouclée avec Jan Dismas Zelenka
. Dans ses Lamentationes Jeremiae Prophetae, lectio secunda pro die Veneris Sancto >> – en réalité Samedi Saint – de 1722, écoute attentivement à partir de 4:43.

N'entends-tu pas le début du Stabat mater? En l'ocurrence, l'œuvre de Zelenka a été écrite 14 ans plus tôt. Il est plausible que Pergolesi ait eu connaissance de la musique du «Bach tchèque» (ou alors il s'agit là d'un incroyable hasard). C'est donc une juste revanche, anticipée, à tous les emprunts que ses successeurs (Bach, Salieri, Hindemith...) ont faits à son œuvre!

Pour terminer cet inventaire non exhaustif des Lamentations de Jérémie, regardons comment les compositeurs du XXe s. les ont traitées: Leonard Bernstein en hébreu dans le troisième mouvement de sa Symphonie des Lamentations >>, composée pendant la guerre, et Igor Stravinsky dans son Threni dodécaphonique >>. Écoute-le avec un œil sur la partition, on est loin des fioritures baroques...

Demain c'est Dimanche de Pâques, enfin un peu de gaité, finie la musique cathartique! Nous écouterons du chant grégorien et de nouveau Bach bien sûr, avec son Oratorio de Pâques.