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LA RÉVOLTE DES FILLES PERDUES

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AU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE FRESNES EN 1947

Texte: Laurence Hainault Aggeler


LA RÉVOLTE DES FILLES PERDUES de Dorothée Janin

Ce livre sera discuté dans le cadre de notre rencontre Les livres qu'on M, le choix Goncourt de la Suisse, le vendredi 27 octobre 2023 à 19h à l'ETHZ.

Dans le cadre de Zürich liest.

En collaboration avec la librairie mille et deux feuilles, l'ETHZ et le RoSE.


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OUBLI
Au centre pénitentiaire de Fresnes en 1947, dans le pavillon de l’éducation surveillée, la souffrance des filles perdues est inégalée. En cette période d’après-guerre où le monde pleure 60 millions de morts, qui se soucie des 80 jeunes filles entre 16 et 21 ans soumises injustement à une discipline de fer dans cette maison de correction?

RÉPRESSION
Une consigne est passée aux éducatrices: «Marcher toujours derrière les détenues, car elles pourraient vous attaquer». D’après la directrice, ce sont des bêtes fauves à mater, des déchets irrécupérables. Leurs données sont classées, étiquetées pour les jeter dans l’ombre. Les humiliations succèdent à la brutalité, la maltraitance physique et psychologique, «l'intrusion de la contrainte jusque dans l'intimité, le contrôle total sur le corps et l'esprit».

INJUSTICE
Et pourtant, seule leur présence gênante mérite ce traitement. Orphelines vagabondes devenues chapardeuses, mères célibataires en survie, simples révoltées de bonne famille accusées d’hystérie ou pauvres filles qualifiées de prostituées pour avoir accepté un cadeau d’un soldat américain, aucun vrai délit ne les condamne.

RÉVOLTE
Alors un jour elles craquent, organisent une mutinerie fracassante, dansent nues en haut des murs de la prison, hurlent des chants obscènes. Difficile à réprimer. On en parlera longtemps.

ENQUÊTE POSTHUME
Une vie plus tard, l’avocat Serge Valère enquête pour connaître le destin de sa mère, une des meneuses de la révolte. Il sait que dans toute logique d’accusation apparaît un vide. Sur ce manque, une vérité peut se rétablir et réhabiliter un condamné. Il confie les recherches à la narratrice qui dépouille les archives, horrifiée de ce qu’elle y trouve. Peu à peu, les fantômes exhumés reprennent vie, silhouettes et voix s'animent au gré d'une reconstitution réaliste et vibrante d'émotion. S’ensuit un procès du siècle dernier en France.

ANALYSE D'UNE ÉCRITURE
Ainsi naît ce roman, une bio fiction respectueuse des témoignages de l’époque et des rapports officiels. Dorothée Janin en profite pour parler du processus d’écriture inspiré de la réalité: «Cela me gêne toujours quand je vois dans un film ou un livre, l’auteur prendre une personne réelle et l’empailler avec sa propre substance mitée, trop clinquante. […] pourtant malgré mes scrupules je ne peux m’empêcher d’avoir des visions». En ressort un début de livre haletant comme ceux que l’auteur adorait adolescente, impossible à lâcher. «Il vous achève plus que vous ne l’achevez». Dommage que le fil conducteur de la quête d'identité et de la transmission se perde dans les méandres de thèmes importants certes, mais trop nombreux.

L.H.A 10/2023

Publié le 12 octobre 2023