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DIRECTION LE MAROC!
COMMENT GUÉRIR DE SES BLESSURES?
ABDIQUER, SE VENGER, FUIR, PARDONNER?
Texte: Laurence Hainault Aggeler
Le Bastion des Larmes d’Abdellah Taïa. Editions Julliard, 2024
Prix Novembre
Abdellah Taïa est l’un des premiers écrivains marocains à avoir levé le tabou de la condition homosexuelle dans son pays. Depuis 2006, année de son coming out, il en reprend la thématique dans toute son œuvre désormais abondante.
C'est l'un des livres dont il sera question lors de notre discussion publique du 22 octobre de 19h à 20h30 :
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Entrée libre, pas de réservation nécessaire
LE PASSÉ RESSURGIT
Youssef, professeur marocain exilé en France depuis 25 ans, retourne dans sa ville natale, Salé, à la mort de sa mère. Le passé ressurgit: une enfance saccagée dans la misère et la violence, entourée de l’indifférence cruelle des proches et des voisins. La voix de son ami et amant de jeunesse le hante dans ses rêves mis en discours. Un dialogue s’établit entre eux sur la base du refus de comprendre les faiblesses de l’autre puis la tendresse revient.
LE TEMPS PASSE
Youssef parcourt les ruelles. Il évoque des scènes d’une extrême violence, sa vie d’autrefois entre les gangs et les violeurs. Puis le temps qui passe et transforme les bourreaux en victimes. Il observe le présent où l’espoir semble se glisser grâce à la force de l’amour. La société marocaine, ses coutumes ineptes, ses déchirements se retrouvent décrits avec sensibilité et brio.
LIEU DE MÉMOIRE
Un lieu surnommé «Le bastion des larmes» fut le point de départ des esclaves victimes de la christianisation, lorsque les Castillans eurent tout détruit sur leur passage. Un symbole d’injustice irréparable, de désespoir, d’intolérance, un lieu de mémoire suggérant les épisodes évoqués au fil des pages.
LES ESPRITS BIENVEILLANTS
Abdellah Taïa, l’exilé, décrit la perte irrémédiable des racines et le sens de la culpabilité, mais aussi la solidité des rapports familiaux qui rattachent au lieu d’origine. Sans oublier le soutien des rêves «ces espaces réels dont la vérité peut sortir […] quand on établit un lien entre soi et les esprits qui veillent sur nous». L’auteur plaide également pour le droit à la différence malgré l’impossibilité d’éviter les affres de la discrimination. Jusqu’à la fin, ce leitmotiv revient, lancinant et poétique, égrené telle une mélopée, avant l'explosion d'un long cri libérateur.
L.H.A 09/2024
Publié le 7 octobre 2024