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«LES LIEUX QU'HABITENT MES RÊVES»

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COMMENT SE POSER «HORS DU TOURBILLON DE L'AVENTURE SOCIALE, DES PROJETS, DES DÉSIRS, DES AMBITIONS?»

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Les lieux qu’habitent mes rêves, de Felwine Sarr, (L’Arpenteur - Gallimard, 176 pages)

«La poésie est une insurrection permanente qu’aucune fausse paix n'amadoue […] Elle ouvre complètement les ponts du sens».

Felwine Sarr sera à Zurich à la Litteraturhaus ZH le 2 juin à 19h30 pour parler de ce livre à l'occasion de sa sortie en allemand.
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CHEMINEMENTS PHILOSOPHIQUES
Bouhel et Fodé sont des jumeaux sénégalais. Bouhel, parti étudier en Europe, se fait quelques bons amis, se passionne pour la sémiologie, tombe amoureux d’une Polonaise, Ulga, dont il découvre la culture. Il élargit sa spiritualité pendant une retraite monastique ponctuée de conversations sur l’intangible et l’essentiel, avec le frère Tim. Ses expériences se transforment en écrit pour «y voir clair» et lorsque «son existence est surprise par une avalanche», Bouhel est armé. Fodé, resté au pays, devenu maître des initiations, assume une lourde charge dont il tire sa force. Les rites se succèdent et décodent les mystères de la transcendance. Pendant une grande célébration annuelle, le malheur frappe. Il sait réagir. L’amour qui lie les deux frères jette des ponts philosophiques. Les points de vue alternent, se recoupent, associent la foi et les croyances pour résoudre les épreuves.

DÉTACHEMENT
Les deux frères ressentent la même vibration profonde dans laquelle tanguent leurs âmes. Bouhel résiste à la dureté, la tragédie, l’absurdité car «il habite poétiquement la vie» et peut laisser les choses «s’en aller au cœur de leur gloire pour revenir peut-être». Fodé fait confiance aux esprits, se détache du corps, écoute les réponses en flottant au-dessus du monde sensible.

QUESTIONNEMENTS
Au fil de chapitres courts, les personnages se télescopent. La narration adopte une chronologie bouleversée. Elle rebondit sur les faits avec une expression suggestive. Les questionnements s’enchaînent: sur la raison première, l’incompréhensible, sur le moment opportun, le «kairos» ou l’art «de ne pas agir trop tôt et surtout jamais trop tard», sur la difficulté d’éviter les projets que le présent dément malgré «un besoin viscéral de crocheter l’action à un futur rêvé». Un besoin fatal au frère d’Ulga, Vlad, qui vacille à la frontière de la folie.

RÉFLEXIONS
Felwine Sarr décrit ces parcours dans un roman palpitant et tendu. Il explique comment se poser «hors du tourbillon de l’aventure sociale, des projets, des désirs, des ambitions». Il nous parle de l’amour, de la mort, de la transmission. Cette fiction frôle notre réalité de bien près.

L.H.A 22/05/2023