→ CINÉMA
THE ROOM NEXT DOOR
Ingrid:Julianne Moore
Martha: Tilda Swinton
Une amitié sincère et profonde
New York sous la neige
Visite d'Ingrid chez Martha
Les deux amies contemplent New York sous la neige et cela rappelle à Martha Les Gens de Dublin de Joyce
Damian (un homme que les deux femmes ont autrefois toutes les deux beaucoup aimé)
Dort-elle?
VIVRE ET MOURIR COMME ON LE SOUHAITE
Texte: Valérie Valkanap
THE ROOM NEXT DOOR, de Pedro Almodóvar (2024, 106 mn, Esp., USA), inspiré d’un roman de Sigrid Nunez
Sur les écrans suisses alémaniques à partir du 12 décembre. Lion d'or du meilleur film à la Mostra de Venise.
SANS DOUTE LE FILM LE PLUS SOBRE D’ALMODÓVAR, ce nouvel opus du cinéaste espagnol n’en est pas moins un film de résistance, comme tous ses précédents. Il y est question de résister au tout chirurgical, à la dégradation avilissante du corps, au cliché qu’il faut lutter pour tout et partout. Mais reprenons. A l’occasion de la dédicace de son dernier livre, Ingrid (Julianne Moore) revoit une ancienne camarade qui lui donne des nouvelles de Martha (Tilda Swinton), une collègue et très chère amie perdue de vue. Ayant appris que Martha est atteinte d’un mauvais cancer, elle lui rend visite à l’hôpital. Bientôt, Martha requiert d’Ingrid une chose qui la terrifie (son dernier livre traite justement de la mort et se termine par «jamais plus»). Elle se sent pourtant tenue d’accéder à sa demande au nom de leur profonde amitié. Celle-ci tiendra-t-elle le coup dans le huis-clos des derniers jours?
C’EST AUSSI UN DES PLUS PESSIMISTES FILMS du grand réalisateur. L’obscurantisme guette dans un monde en passe de devenir aussi absurde qu’inhumain. Aux Etats-Unis, pays très religieux, l'euthanasie est illégale dans la plupart des Etats. On l’y poursuit sur le fondement du meurtre ou de l'assassinat. On sent poindre des relents de masculinisme dans la façon dont Ingrid (qui n’a rien commis de répréhensible) et son avocate sont traitées au décès de Martha. Au cours de gymnastique, l’éducateur regrette de ne pouvoir prendre Ingrid dans ses bras pour la consoler (il est interdit de toucher les participantes). Enfin, on peut compter sur Damian (John Turturro), l’ancien amant des deux amies auquel Martha pense avec nostalgie (le sexe, c’est bien connu, est un rempart contre la mort), pour finir de nous accabler. Depuis le Covid, non seulement il ne va plus ni au cinéma ni au concert, mais il râle contre son fils dont la femme attend un troisième enfant. Etant donné l’état de la planète, c’est pour lui de l’inconscience. Inquiet par la montée de l’extrême droite dans son pays, il ressasse des scénarios pessimistes reflétant les angoisses de 48% de la population. Au vu la splendide maison que se loue Martha pour finir ses jours, on devine que ces craintes sont plutôt celles d’une classe intellectuelle aisée.
MAIS IL Y A BEAUCOUP DE FAÇON DE VIVRE UNE TRAGÉDIE, rappelle Martha qui a été reporter de guerre et sait de quoi elle parle. La tête peut bien se résigner, tant que le cœur bat encore, il faut s’occuper du corps. Et puis, si déjà on ne s’est pas laissé couler par de traumatiques souvenirs (thème récurrent chez Almodóvar) en l’occurrence et pour Martha, un amour de jeunesse rentré brisé de la guerre au Vietnam, alors, tête haute, on saura affronter l’inéluctable. La Camarde, bonne fille, se chargera peut-être de réconcilier la mère et la fille née de cette union.
Avec ce film aux images raffinées ponctuées de multiples références cinématographiques et littéraires, Almodóvar semble annoncer la fin de la pluralité des modes de vie et de pensée. Il n'en reste pas moins que nul ne saurait jamais empêcher les individus d'user de leur liberté de choix ou d’action, pourvu qu’ils le souhaitent vraiment.
V.V.12.24
Publié le 6 décembre 2024_SCZ