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TEL AVIV ON FIRE

Tel Aviv on FIre affiche

Salem se demande quoi faire de la photo du général 280Salem se demande que faire de la photo du général.

Salam et Assi en train de discuter le scénario de la sérieSalam et Assi en train de discuter du scénario de la série


LA GUERRE EST-ELLE SOLUBLE DANS L'HUMOUR ET L'HUMMUS?

Texte: Valérie Lobsiger


Un film divertissant, aussi drôle qu’intelligent, riche en péripéties et dialogues percutants

Tel Aviv on Fire, de Sameh Zoabi (Palestine 2018, 97 mn) à partir du 7 mars sur les écrans suisses alémaniques.
Avant au Lunchkino. Puis au festival YESH.

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Dans certains openairs cet été!


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RIRE A PROPOS DU CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN? Sameh Zoabi, talentueux réalisateur palestinien (Man Without a Cell Phone, Family Album, Under the Same Sun) diplômé de l’université de Tel Aviv, ose. C’est une bonne idée car on rit des deux camps. L’autodérision est toujours propice à la remise en cause et c’est bien connu, le rire rassemble. L’intrigue est bien ficelée: une équipe palestinienne tourne une série à l’eau de rose intitulée «Tel Aviv on Fire», très appréciée tant des Palestiniens que des Israéliens. Elle se joue en 1967, quelques jours avant la guerre des Six-Jours. Une belle espionne palestinienne (Lubna Azabal) se faisant passer pour une survivante française de l’Holocauste est chargée par son amant de séduire le général Yehuda (Yousef Sweid) pour lui dérober les plans de l’attaque. Sur le lieu du tournage, on se querelle. Salam (Kais Nashif, qui excelle dans la peau du gars dépassé par les événements), apprenti scénariste engagé par son oncle pour ses connaissances en hébreu, interrompt une scène. Stop! ça ne va pas: un Juif ne dira jamais d’une femme qu’elle est explosive. Le soir en repassant le check-point pour rentrer chez lui à Jérusalem, Salem baisse sa vitre et innocemment, interroge la femme-soldat israélienne pour lui demander conseil: Un Juif peut-il dire d’une femme qu’elle est «explosive»? La soldate le met aussitôt en joue. Plus le malheureux s’explique, plus il aggrave son cas. Quoi, Tel Aviv en flammes?! On l’amène manu militari à l’exubérant commandant Assi (Yaniv Biton, à mourir de rire) qui, croyant avoir en face de lui le scénariste, ne tarde pas à lui confisquer son passeport, histoire de s’assurer que la fin de la série sera conforme aux souhaits de sa femme, fan de la série…

A LA PLACE DE LA MORT, LA VIE. C’est la conviction de Salem («n’y-a-t-il pas un chemin entre les bombes et la capitulation?» s’interroge-t-il) et probablement avec lui, celle de Sameh Zoabi qui, dans «Under the Same Sun» (2013), imaginait la paix entre Israël et les Palestiniens enfin conclue. On ne dévoilera bien sûr pas la fin. Elle n’est certes pas explosive mais inattendue. Une chose est sûre: arrivé à un certain point, Salem ne peut plus se laisser dicter la trame par le général despote: non seulement Assi lui impose le scénario (ce qui, au départ, dépanne drôlement Salem), mais il lui demande de placer une photo de lui dans le décor et puis il lui réclame aussi de l’houmous, un plat typique … tant de la cuisine juive qu’arabe. On rit de le voir se régaler de ce qui n’est en réalité que le contenu d’une conserve périmée, relevé d’aromates. Les exemples d’incompréhension réciproques pullulent: on s’amuse par exemple de les entendre tous les deux affirmer bien connaître «ces terroristes». Le moindre faux pas dans un épisode de «Tel Aviv on Fire» est aussitôt dénoncé comme un complot sioniste, un baiser de l’espionne au général israélien abondamment commenté et même monté en épingle dans la presse (L’héroïne est à la botte d’Israël! Oui mais, rétorque-t-on, un baiser «sans langue» n’est pas un baiser arabe!) Autant de gags mais aussi de façons de donner un aperçu d’une réalité qui, elle, n’est guère rose («Comment cela se fait-il que mon personnage soit doux et gentil? Moi j’ai passé sept ans en prison en Israël, et ils n’étaient pas tendres!» demande à Salem l’acteur interprétant le général Yehuda). L’hégémonie israélienne est dénoncée de façon bon enfant et c’est cela qui est intelligent. Il n’aurait plus manqué que ce film soit un nouveau prétexte à se taper dessus!

Alors, comment réconcilier Juifs et Arabes? Eh bien, peut-être en tournant des séries sans fin annoncée, dans lesquelles on ne sait pas quel camp va l’emporter, où c’est la romance qui importe et non la politique? Et le spectateur de conclure par devers lui que l’humour arabe n’est pas dénué de tous points communs avec l’humour juif.
VL (04/03/2019)