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PARASITE

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DU RÊVE AU CAUCHEMAR

Texte: Laurence Hainaut Aggeler


Un film de Bong Joon Ho, Corée du Sud, 132', 2019

Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…


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LA MISÈRE
Une famille s’entasse dans un taudis nauséabond de la banlieue de Séoul. La misère suinte de partout. Avec un mélange de bonne humeur et de brutalité, les parents et leurs deux adolescents vivent d’expédients et profitent des autres: le wi-fi des voisins, la compréhension du livreur de pizza dont ils plient mal les boîtes pour un salaire négligeable. Par la fenêtre de leur soupirail, ils s’énervent devant le spectacle des buveurs habitués à se soulager contre leurs poubelles… Sordide! Tout un pan obscur de la société coréenne nous est lancé au visage dès les premiers plans.

SUBTERFUGE
Pourtant un jour la roue va tourner. Un copain du fils Ki-woo, un nanti rencontré à l’école, propose au jeune homme pauvre de le remplacer pour donner des cours d’anglais dans les beaux quartiers. En bluffant, il devrait bien y arriver! Et le bluff prend des proportions inimaginables. Peu à peu toute la famille s’insinue dans une superbe maison bourgeoise qui leur garantit enfin un emploi fixe. Le père comme chauffeur, la mère comme gouvernante, la fille comme éducatrice artistique pour enfants gâtés. Les patrons sont ravis, les serviteurs encore plus, et leur joie s’avère communicative. On rit avec eux de cet incroyable subterfuge, car l’arnaque n’en est pas vraiment une puisqu’elle s’attaque aux faux semblants. Pourtant la cave humide de cette superbe demeure abrite des hôtes indésirables, menaçants. Eux aussi vont exiger leur part. Le rêve tourne au cauchemar et se termine en tragédie sanglante.

DU SUSPENSE
Certaines images reviennent en boucle: pluie torrentielle dévastatrice, maison-bastion au jardin luxuriant, grimaces provoquées par l’odeur écœurante des bas-fonds, escaliers meurtriers ou salvateurs. Autant de symboles exacerbés par un décor sublime afin de soutenir un argumentaire mené à la perfection. Au final, le dédain latent des puissants révèle l’injustice fondamentale du système des castes et la violence éclate pour remettre l’ordre social en place. À moins que le jeune Ki-Woo ne parvienne à inverser le sens du destin.

UN CINÉASTE VIRTUOSE
Le brillant réalisateur, Bong Joon-ho nous transporte du thriller au film d’horreur, de la comédie à la satire. Les genres se superposent dans une virtuosité de mise en scène, au rythme d’un suspens efficace. Sans conteste, cette œuvre nous ébranle et mérite bien sa Palme d’Or au Festival de Cannes.
(L.H.A 08/2019)