→ SCÈNES

LA CONFÉRENCE DES OISEAUX

jonone1 280© Laurent Schneegans - Les oiseaux partiront-ils en voyage pour rejoindre Simorg, le roi des oiseaux?
jonone2 280Que de vallées à parcourir et de secrets à découvrir!jonone3 280La musique originale de Philippe Miller sur laquelle les oiseaux initient des danses tribales enchante.
LCO62Un merveilleux conte du Persan Farid Uddin Attar (1142-1220) adapté par Jean-Claude Carrière


UNE FÉERIE QUI NOUS PARLE EN SOIGNANT NOTRE ÂME TIMORÉE

Texte: Valérie Lobsiger


En savoir plus sur le spectacle: ici dans notre Agenda

Au Théâtre de la Ville de Berne lundi 9 décembre 2019 avec les comédiens de Guy Pierre Couleau dans «La Conférence des Oiseaux», un conte du Persan Farid Uddin Attar (1142-1220) adapté par Jean-Claude Carrière.


→ PRINT


C’EST UNE PARABOLE POÉTIQUE DE LA VIE que nous offrait lundi soir au Théâtre de la Ville de Berne les comédiens de Guy Pierre Couleau dans «La Conférence des Oiseaux», un conte du Persan Farid Uddin Attar (1142-1220) adapté par Jean-Claude Carrière. Pas question de ronfloter dans son fauteuil entre deux fariboles. Chaque phrase avait du sens, et parfois même sacrément énigmatique. A plusieurs reprises, il nous a échappé, mais qu’importe! La vie ne nous permet pas non plus de faire un pas de côté pour réfléchir à la signification profonde de chacune de nos paroles ou actions. De toute façon, elle revient à la charge jusqu’à ce que nous finissions par comprendre. La pièce fonctionnait sur le même modèle.

VAINCRE LA PEUR DU CHANGEMENT. Sur scène, dix pupitres de loges, avec miroir et tabouret, sur lesquels sont posés dix masques d’oiseaux. L’un après l’autre et en silence, les acteurs viennent les enfiler. Ils les retireront souvent au cours de la pièce pour incarner les personnages humains des contes que leur raconte la huppe pour les motiver. Lors d’une grande conférence réunissant tous les oiseaux du monde, celle-ci veut en effet les convaincre d’entreprendre un grand voyage qui les mènera à Simorg, roi des oiseaux. «Je ne vois ici que querelles et batailles pour une parcelle de terre ou un grain de blé» assène la huppe. Les oiseaux hésitent; leur désir de voyage est grand, mais ils n’osent lâcher leur train-train quotidien pour l’inconnu. Alors ils se retranchent sous de fallacieux et très humains prétextes. A noter la folie contée de l’ermite retiré dans le désert pour tenter de trouver un rapport entre l’aubergine … et la tête coupée de son fils. Il ne faut pas vouloir trouver à tout prix un sens à tout. Enfin les oiseaux s’envolent. Ils traversent d’abord un désert immense et se croient un peu trop vite arrivés. Il leur reste à franchir sept redoutables vallées où dans chacune, un secret est à découvrir.

UN MERVEILLEUX SPECTACLE POUR LES YEUX ET LES OREILLES. Tandis que notre esprit se repaît de fables philosophiques, nos yeux et nos oreilles ne demeurent pas en reste. La musique originale de Philippe Miller sur laquelle les oiseaux initient des danses tribales enchante. Leurs déhanchements et autres gestes saccadés de la tête, des pattes ou des ailes (sur une chorégraphie de Catherine Dreyfus) sont bluffants; dans la salle, on rit. Les bruitages en direct, imitant les sons de la jungle, dépaysent; les éclairages colorés complètent cette touche d’exotisme. On est estomaqués par cette scène d’amour suggestive entre un esclave et une princesse ou cette autre encore, où des papillons se brûlent les ailes dans un bain de lumière vermeille. Qu’on se prenne pour une fourmi ou pour un roi, on est souvent mauvais juge de soi-même, en plus de ne pas savoir quoi faire de son cœur. Qu’on prenne donc exemple sur ce fossoyeur «qui a creusé ses fosses pendant 70 ans sans enterrer une seule fois ses désirs». Quoiqu’il advienne, il faut garder vaille que vaille courage, ardeur et curiosité. Car rappelez-vous: «Même dans le néant, on trouverait encore au fond d’un puits la patte d’une fourmi boiteuse». Un beau message d’espoir et de foi en l’homme.

Valérie Lobsiger 10.12.2019