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LA VIE D'UN ANTIHÉROS

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 Editions de l'Olivier, août 2019

 


UNE ACTION À REBONDISSE-
MENTS

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon»

Le dernier roman de Jean-Paul Dubois relate «l’histoire d’hommes de bonne volonté qui finissent par tout perdre, leurs proches, la foi, la liberté, l’honneur, leur métier, leur rôle social, le contrôle de leur vie… (mais)… leur échec rayonne»...

Prix Goncourt 2019

A lire aussi, la critique précédente:
Les choses humaines


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DES FANTÔMES BIENVEILLANTS
Pour ne pas sombrer dans le désespoir d’une prison glaciale et nauséabonde de Montréal, Paul Hansen entretient un dialogue vivace avec les fantômes bienveillants de son passé. Du Toulouse de sa mère au Jutland natal de son père danois en passant par le Canada algonquin de la femme de sa vie, les paysages contrastés se succèdent dans ses souvenirs: la mine d’amiante, le fleuve argenté, l’église où s’engouffre le jazz, le Grand Nord vu du ciel.

UN SALE TYPE BIEN SYMPATHIQUE
Son compagnon de cellule, un Hell’s angel truculent, clame son innocence et voudrait couper en deux tous ceux qui se sont mis en travers de son chemin. Mais au fond le «sale type» est bien sympathique. Le bon sens de ses remarques à l’emporte-pièce s’allie à une fragilité inattendue quand il trace à main levée des lignes finement brisées. Il s’enfonce alors «dans cet endroit à lui seul où, à défaut de refaire le monde, il s’efforce depuis l’enfance de le redessiner».

RÉFLEXIONS D'UN ANTIHÉROS
Paul a commencé sa vie entre des parents incompatibles qui finiront par divorcer quand le père Pasteur perd la foi et que sa femme soixante-huitarde donne la priorité à son petit cinéma d’art et d’essai. Puis il a connu l’émigration, un travail paisible comme surintendant d’immeuble, la rencontre de l’amour, de l’amitié, du bonheur. Mais, en fin de compte, une confrontation avec la mesquinerie destructrice a tout fait basculer. En déroulant le fil de son existence, cet antihéros se livre à de multiples réflexions sur le goût de l’authenticité, l’absurdité des professions administratives, la nécessité de ne pas suivre les règlements à la lettre, l’importance de porter assistance aux âmes esseulées.

REBONDISSEMENTS MULTIPLES
L’action rebondit au gré d'épisodes tour à tour émouvants (la coupe de cheveux du gros dur), hilarants (la visite du ministre de la Justice dans les cellules), romantiques (les scènes pudiques entre Paul et son épouse Winoma) ou révoltants (les intrigues au sein de la résidence). Une tension  récurrente nous tient en haleine, la douceur de vivre disparaît puis survient le drame ultime.

QUAND ON FINIT PAR TOUT PERDRE
En effet, «tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon». Les gentils résistent aux violents, les courageux s’accommodent des lâches. Cependant, certains êtres un peu trop bons  craquent inévitablement. Voici «l’histoire d’hommes de bonne volonté qui finissent par tout perdre, leurs proches, la foi, la liberté, l’honneur, leur métier, leur rôle social, le contrôle de leur vie… (mais)… leur échec rayonne».

L.H.A 03-2020