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L'HISTOIRE DU CONFINEMENT CHOISI

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jonone2 280Ex voto,  St. Gertrud à Cologne, vers 1465, en bois de chêne © Rheinisches Bildarchiv Köln, rba_c02046

jonone3 280© Germanisches Nationalmuseum, Nürnberg. Foto: G. Janssen


LES MONIALES, FEMMES FORTES AU MOYEN-ÂGE

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Exposition au Musée national suisse, à Zurich, jusqu'au 16 août 2020

Le site du musée: www.landesmuseum.ch

Il existe des visites guidées publiques (en allemand). Par exemple le 25 juin de 18h à 19h. Réservation obligatoire: ici
Toute sles visites: ici


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AU MOYEN-ÂGE, LES FEMMES ÉMANCIPÉES VIVAIENT CLOÎTRÉES!
Un paradoxe qui attise la curiosité. Jusqu’ici, la fermeture provisoire de notre «Landes» nous a privés de cette belle exposition sur les moniales, les religieuses enfermées à vie dans leurs couvents. Comme la reprise de fréquentation des musées s’opère en douceur, on ne saurait imaginer de meilleur endroit à Zurich pour garder ses distances. N’attendez plus: les destins édifiants de ces quinze nonnes et la magnificence des œuvres du XIIe au XVIe siècle valent une visite. Quant aux chants liturgiques diffusés en sourdine, ils apaiseront votre âme en ces temps troublés.

LES MONIALES, FEMMES DE POUVOIR ET D'ACTION
Issues le plus souvent de la noblesse, extraites du carcan familial, elles savaient choisir leurs lieux d’inspiration et d’influence et  aménageaient des espaces de liberté et de culture. On peut donc admirer nombre de peintures, statues, autels et objets précieux venus de leurs couvents. Pour n’en citer qu’un placé au centre de l’exposition, ce Christ des douleurs impressionnant de sobriété expressive. Haut de 3 m environ, il fut sculpté au milieu du XVe siècle. À noter également, une réalisation de 1999: la maquette du cloître de Klingenthal au XIIIe siècle. Les nonnes alsaciennes de Saint Augustin y vivaient en grande liberté, sans se soucier outre mesure des règles monacales trop strictes.

QUEL DÉPLOIEMENT DE PERSONNALITÉS!
«Les érudites, les compatissantes, les influentes, les mystiques, les lectrices, les observantes» … de salle en salle, les modèles sont choisis et les consoles aménagées. Un stylet caoutchouté anti-contagion vous sera donné à l’entrée. Il permet de pianoter, sans contact direct avec les écrans d’information! Ainsi, les visiteurs écoutent-ils en toute sécurité les biographies de ces religieuses exceptionnelles et les meilleurs extraits de leurs écrits. A titre d’exemples, présentons quelques destins.

PÉTRONILLE DE CHEMILLÉ, L'INFLUENTE NOTOIRE
Elle agrandit Fontevraud de plus de 50 monastères entre 1115 et 1149 et devient une des personnalités politiques les plus puissantes dans le royaume de France. De nombreux hommes lui sont subordonnés, une exception à l’époque.

HILDEGARDE DE BINGEN, L'ÉRUDITE DU XIIéme SIÈCLE
Cette bénédictine rédige une œuvre scientifique d’une telle ampleur que le pape la nommera Docteur d’église. Elle est considérée comme la première naturaliste d'Allemagne et l’un des médecins les plus célèbres de son temps. Au milieu de nombreuses pratiques infondées reposant sur les croyances, certaines affirmations intuitives s'avèreront en physiologie humaine ou en astrologie. Ses conseils préventifs novateurs concernant l’hygiène limiteront certains maux. Enfin elle a composé plus de soixante-dix chants liturgiques, dont certains ont fait l'objet d'enregistrements récents.

ÉLISABETH DE WETZIKON, PRINCESSE D'EMPIRE ET SOUVERAINE DE LA VILLE
Cette autre «influente», élue abbesse du Fraumünster de Zürich en 1270, gère des terres qui vont jusqu’au canton actuel d'Uri, administre le droit de marché, de monnaie et de péage, fixe les unités de poids et de mesures et préside également le «Secrétariat général». Sa trace architecturale s'étend dans toute la ville, puisqu’elle introduit le style gothique, en commençant par sa propre abbaye. Son réseau et son autorité sont si puissants qu'elle contribue indirectement à la fondation de la Confédération suisse en 1291.

ELSBETH STAGEL, LA MYSTIQUE
Née au tout début du XIVe siècle dans une famille noble de Zurich, elle consigne par écrit ses «confidences». Les sujets portent sur la théologie et sur ses pratiques extrêmes de pénitence personnelle. L’œuvre a pris une dimension philosophique. Finalement, le secret divin se trouverait à l’intérieur de soi. Et ce travail reste un témoignage clé pour mieux connaître la vie monastique de l'Allemagne médiévale.

MARGARETHA VON WERIKON, LA PESTIFÉRÉE 
Modèle de courage, d’abnégation et d’efficacité, elle a dû faire face à la grande épidémie européenne de 1349. Son journal relate une lutte acharnée contre la maladie qui décimait la communauté de son monastère suisse. Alors que rien ne laissait prévoir l’actualité de ses réflexions, leur acuité interpelle.

CATHERINE DE SIENNE, LA PATRONNE DE L'EUROPE
En 1363, elle se coupe les cheveux pour ne plus être attirante, éviter le mariage et rentrer dans les ordres. Excellente oratrice, elle préconise des réformes et les présente au pape. Sa position affirmée lui vaut la canonisation en 1461 et une consécration papale au XXe siècle, Patronne de l’Italie en 1939 puis de l’Europe en 1999. Rares sont les femmes dont la réflexion fut officiellement reconnue sept siècles durant.

KATHARINA VON ZIMMERN, LA DERNIÈRE ABBESSE DE FRAUENMÜNSTER
Très ouverte aux idées nouvelles. L’estime qu’on lui voue est grande mais elle doit céder à la pression du Conseil de la ville en 1524 et rendre le pouvoir. En vraie femme forte, elle s’adaptera à ce retournement du destin jusqu’à fonder une famille avec un chef mercenaire. Préférer un militaire viril à un sage prélat en a surpris plus d’un. Et pourtant! Plusieurs années auparavant, sa première fille n’était-elle pas née de père inconnu, au sein même de son couvent?

Il reste encore beaucoup de moniales à découvrir durant la visite. Toutes sont parvenues à repenser le monde en restant en accord avec leur foi. Toutes ont refusé de sacrifier leur liberté intérieure et leur énergie créatrice.

(L.H.A  24/05/2020)