→ LIVRES/IDÉES

QUELLES RETOMBÉES POUR CETTE CRISE INÉDITE?

jonone1 280

Rhino 2000 cuoleurs Un monde de vieux qui se protège?  Pas sûr...

 


UN CRI DE RAGE...

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Une expérience littéraire fulgurante et inattendue: «Génération fracassée » de Maxime Lledo.

Sorti en mars 2021, 198 pages

En-tête du livre:
«C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents.» Georges Bernanos.

Et Maxime Lledo est très fiévreux et très jeune, il a 22 ans. Son cri de rage: «Politiques et bureaucrates ont fait le choix de mettre la jeunesse à genoux. Ils ont choisi de sauver les seniors pour mieux nous enterrer».



→ PRINT


UNE COLÈRE DE CITOYEN OUBLIÉ
Le quotidien était rythmé, encadré, les jeunes pouvaient s’entasser en terrasse, refaire le monde, mais aussi se jeter dans un job saisonnier pour financer leurs études, suivre des stages, s’engager dans un premier contrat. Et maintenant la caste des ex-soixante-huitards est aux manettes. Or cette génération, qui a longtemps profité d’une totale insouciance, trouve normal d’exiger l’enfermement, la contrainte, le manque de travail. Maxime Lledo s’insurge devant l’indifférence des dirigeants et les retombées dangereuses de cette crise inédite.

UN REDOUTABLE CLIVAGE GÉNÉRATIONNEL SE PROFILE
«Recommander aux autres de se passer des plus belles années quand on les a derrière soi», c’est facile. Et ces «pères-la-morale qui rangent les jeunes dans des caves trop étroites» ne reculent devant aucun paradoxe, comme celui de la priorité des vaccins par exemple. «Pourquoi ne pas vacciner ceux qui transportent massivement le virus plutôt que vacciner en priorité ceux qui le subissent?» Une épidémie ne se résout-elle pas quand on en stoppe la circulation?

OÙ SONT LES PREMIÈRES FOIS?
Non seulement une des meilleures périodes de la vie des jeunes part en fumée, mais la dictature sanitaire installe le déséquilibre social. Une économie se met à l’arrêt, les moyens de subsistance essentiels à certains étudiants disparaissent, le rapport de proximité est interdit, l’amitié, l’amour n’ont plus le droit d’exister. «Où sont passées les premières fois, les premières heures de colle pour un fou rire, les premières esquives de cours pour rejoindre celle qui nous a plu, le premier baiser?»

L’ESPRIT CRITIQUE EST-IL MORT SUR LE CHAMP DU COVID?
Quant à la communication digitale, elle impose ses outrances. Dans les universités, les cours les plus passionnants se transforment en monologues académiques sans insolence, sans causticité, sans débat. «L’esprit critique est mort sur le champ du Covid». Et le temps passe, des habitudes contraignantes s’incrustent… Les libertés menacées sont diverses, celle d’aller et de venir bien sûr, mais plus subtilement de voir qui nous voulons et de dire ce que nous voulons. On a touché à la sacro-sainte liberté d’expression et les interdits se multiplient. «L’idéal de la liberté est remplacé par le culte des droits».

«GÉNÉRATION ÉGARÉE»
Le dernier chapitre exprime deux inquiétudes. La première concerne l’évolution de la jeunesse. Restera-t-elle joyeuse, positive et combative? Pourra-t-elle continuer à poursuivre ses rêves? Quelle saveur aura la convivialité? La seconde s’interroge sur la gravité des crise idéologiques et économiques à venir. Mais ces appréhensions touchent en fait l’ensemble de la population.
«Je souhaite avec ce livre faire émerger et encourager la survie d’une génération libre». Avec un certain lyrisme, Maxime Lledo écrit pour «éviter que le monde ne se défasse» (Camus).

Ce brûlot est excessif, mais le malaise est réel, et peut-être dépasse-t-il la jeunesse. Vivement que cette épidémie soit enrayée avant que ne sonne l’heure de la désobéissance civile!

(L.H.A 04/202)