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QUESTIONS À ALEXANDRE LECOULTRE, AUTEUR DE «PETER UND SO WEITER»
Lecture musicale basée sur le texte «Peter und so weiter»
Voix: Alexandre Lecoultre
Accordéon: Julien Paillard
RENCONTRE ENTRE LA MUSIQUE DE L'ACCORDÉON ET CELLE DES MOTS
Questions: Sandrine Charlot Zinsli
La lecture musicale d'Alexandre Lecoultre et Julien Paillard a lieu jeudi 25 novembre à 20h à la Literaturhaus ZH dans la série «Ces voisins inconnus»
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Alexandre Lecoultre: «Peter und so weiter», Prix suisse de littérature 2021.
En savoir plus sur l'auteur: https://www.alexandrelecoultre.ch/
SCZ: Alexandre Lecoultre, vous venez le 25 novembre à Zurich à la Literaturhaus pour présenter avec Julien Paillard votre livre «Peter und so weiter» en musique. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce joli projet?
AL: C'est une histoire de rencontre entre la musique de l'accordéon et celle des mots. Et d'amitié bien sûr, surtout! Avec Julien nous avons travaillé ensemble dès les commencements pour ce projet, avant même que le livre soit publié, et donc construit ensemble quelque chose d'extrêmement organique où les mots et les notes ont la même importance. Cela a donc été un travail passionnant pour recréer la narration sur environ 60 minutes, en partant du texte du livre comme matériau tout en le réorganisant, et en créant aussi quelque chose de nouveau par rapport au texte de base. Ce fut un grand chantier de plus d'une année où, tout en bricolant, nous nous sommes laissés une grande liberté pour explorer tous les potentiels sonores entre voix et accordéon. Et silence. Évidemment, j'ai aussi beaucoup de chance avec Julien qui a un talent extraordinaire et une fine sensibilité pour sentir le texte. Au final, cela donne cette lecture musicale dans un format assez minimaliste mais d'une grande intensité par les voix multiples, les sons et les rythmes variées tout du long, et une complicité qui n'est pas seulement due au travail fin de mise en place texte/musique, mais aussi par une place laissée à l'improvisation sur le moment. L'accordéon respire, comme nous!
SCZ: La langue est au centre de votre roman. Vous est-elle venue
naturellement, comme dictée par une voix intérieure, ou l'avez-vous travaillée, réinventée en la nourrissant de votre proximité au suisse-allemand?
AL: Ni l'un ni l'autre. Ou plutôt les deux à la fois. Ce texte me surprend le premier car je lis, écris et traduis essentiellement de la poésie. Je pratique plutôt la note et travaille le fragment. A savoir comment cela a pris forme, c'est une histoire de rues, de temps et de rencontres. Mais pour ce qui est de la langue, je disais à un ami l'autre jour que j'avais trébuché en écrivant. Au début c'est venu malgré moi: je suis arrivé à Zürich avec un allemand très cassé, alors j'ai bricolé sur le tas, à l'oreille, en me promenant dans le rues. Cette ville je l'ai vécue et construite à travers ce texte et dans les jambes à tel point que je ne sais plus qui a engendré qui. Ensuite travailler à l'oreille c'est être attentif à des sons, des résonances, des choses qu'on ne comprend pas, disons, d'un point de vue rationnel. J'ai donc pendant longtemps avancé ainsi à l'aveugle - traînant ici et là et récoltant aussi des manières, des expressions, etc. Après, évidemment, une fois que tout ça prend forme, commence un autre travail littéraire, artisanal en somme, où tout cela s'agence dans un texte. Il y a des perméabilité dans les langues et les sons et les sens, et c'est un peu là que je me suis tenu pour écrire; mais alors là il me faudrait plus de temps et des exemples concrets avec lesquels je pourrais vous montrer comment ça marche, comment j'ai travaillé cela... Mais une fois que la voix est là, tout vient. Cela dit cette voix - ce texte, Peter, etc. - est un unicat parce que lié à un moment particulier où s'alignent expérience, langue, écriture. Pour moi chaque texte demande à trouver une forme propre.
SCZ:Vous étiez à Zurich lorsque vous avez écrit ce roman. Quel rôle la ville a-t-elle jouée?
AL: J'ai déjà répondu en partie à cette question dans la réponse précédente. Le Dorf de Z. est Zürich car pour moi l'écriture d'un texte vient marquer une sorte d'empreinte liée à une expérience de vie. En l'occurrence, à cette époque je vivais à Zürich en tant que Romand, ce qui était pour moi comme une sorte de marge intérieure, linguistique et géographique. Et je n'invente jamais de paysages, de ciels, de lumières. Tout cela naît de l'expérience d'être présent aux choses et aux lieux. Donc pour moi c'est clair, chaque ligne est ancrée dans un lieu précis de Zürich, ce qui donne cette sensibilité, cette fébrilité aussi, dans le texte, qui est comme un peu fêlée ou de travers. Mais ensuite le travail littéraire, du moins celui que j'ai fait ici pour ce texte, vise à rendre universel - dans le temps et l'espace - le regard et les questions de Peter. D'où le gommage des dates et des lieux. Chaque personne qui lit peut s'approprier, disons plutôt s'imaginer ou se représenter, les personnages et les les lieux en bas de chez elle. Lorsque le livre est sorti, j'ai entendu des gens me dire «ah mais c'est tout à fait Bienne», ou «on voit tout de suite que c'est Berne», etc. Tant mieux!
Publié le 17 novembre 2021.