→ CINÉMA

FIFF 2023

jonone1 280Partir, brûler...

jonone2 280El Castigo
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli...

jonone3 280Plan 75
Glaçant...
Harvest Moon 280Harvest Moon
Dans les plaines de Mongolie
numb
Numb
A hauteur des yeux des enfants...


ÉBLOUISSANT, GLACANT, CHARMANT... SECOUANT!

Texte: Françoise Vonlanthen


En savoir plus sur le FIFF: www.fiff.ch/fr

Du 17 au 26 mars 2023 à Fribourg


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FIFF, FIFF, FIFF, la sonorité de l’acronyme du Festival du film de Fribourg résonne comme un chant d’oiseau printanier.
Chaque année, en mars, à Fribourg, une semaine entière à visionner des longs métrages en concours, des courts et des documentaires, des films du monde, à s’en mettre plein les mirettes, à se questionner en citoyen·ne du monde.

Cette année, tous les films vus m’ont bouleversée, parfois apaisée, enchantée, subjuguée, dérangée, vivifiée, toujours ils m’ont déplacée et tous m’habiteront pour longtemps.

Dans la cuvée 2023, j’ai été éblouie par HARKA, le premier film du réalisateur tunisien Lotfy Nathan, c’est une claque de beauté et de douleur.
De douleur comme l’indique son titre dont la traduction m’a été donnée par une jeune femme à la sortie du film. Harka a une double signification: partir, immigrer d’une part, brûler d’autre part. Deux douleurs irréconciliables pour la plupart des Tunisiens qui voudraient partir mais qui restent pour honorer leurs responsabilités de citoyens ou qui partent désespérés et voudraient rester. Douleurs de l’immigration, de la corruption contre laquelle on ne peut rien faire, du travail de quasi esclavage, et on peut enlever le quasi, douleur et perte dans l’invisibilité vécue.
Mais beauté aussi, beauté de la bande-son, hypnotique, beauté de chaque plan, de la photographie, de l’acteur principal qui irradie dans sa douleur, beauté de la voix off de la sœur qui met un peu d’empathie et qui est sans doute la seule à voir cet homme, son frère, désespéré au point de dormir dehors par peur de contaminer sa famille par le malheur qui lui colle littéralement à la peau.
Beauté de l’engagement du cinéaste Lofty Nathan qui donne voix à cette génération qui a rêvé au printemps arabe et qui est désenchantée et désabusée.

Dans la cuvée 2023, j’ai été secouée par le film argentin EL CASTIGO de Matias Bizel.
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli... Ça vous dit quelque chose? Le vers le plus connu pour définir une tragédie classique!
Rejouée avec un brio et une modernité par les personnages du film El Castigo! Et tellement vraisemblable.
En un plan séquence virtuose de 86 minutes, un temps qui correspond exactement à la durée de l’action (le spectateur attend l’arrivée de la police 10 minutes comme les deux parents qui ont perdu leur enfant dans la forêt), en un seul lieu (une route banale au bord d'une forêt et une voiture), le film est un coup de poing cathartique. C’est quoi l’amour d’une mère? d’un père?
On en sort boxé·es avec des questionnements nécessaires sur la maternité. C’est un film d’un réalisateur dont on m’aurait dit qu’il était une femme sans que j’en sois étonnée.

Dans la cuvée 2023, LE DOCUMENTAIRE SUR JANE CAMPION, la femme-cinéma, m’a enthousiasmée. Une femme puissante et pas de pouvoir, une femme belle, vivante et vibrante à tous les âges de sa vie et qui donne voix aux femmes qui cherchent leur émancipation et trouvent accès à leur désir. Et en sortant du film, l’envie de voir ou de revoir «La leçon de piano», «Un ange à ma table», «Top of the lake» et tous les autres.
Mais aussi les films de la réalisatrice du documentaire Julie Bertuccelli à qui l’on doit le très beau «Depuis qu’Otar est parti».

Dans la cuvée 2023, j’ai été glacée par le propos de PLAN 75 de la japonaise Chie Hayakawa: dans un Japon apocalyptique mais si ressemblant au Japon d’aujourd’hui, les vieux de plus de 75 ans sont invités à consentir à l’euthanasie pour ne pas entraver l’avenir de la jeunesse. Invités à choisir librement une mort programmée. Pourquoi voir un film si glaçant? Pour réfléchir avant qu’il ne soit trop tard à ce que la société fait aux plus fragiles.
Le propos aurait pu être désespérant mais les personnages sont magnifiques dans leur quotidien et donnent une tonalité tendre à l’ensemble du long métrage.

Dans la cuvée 2023, j’ai été ravie mais aussi  touchée par le film HARVEST MOON du scénariste et producteur mongol Amarsaikhan Baljinnyam qui en est aussi l’acteur principal. Dans la Mongolie déchirée entre modernité et tradition, un homme quitte la ville pour se rendre en campagne au chevet de son beau-père mourant. Il rencontre un jeune garçon qui n’a peur de rien. Le film, à fleur d’âme blessée, s’interroge sur la paternité et la filiation. On peut lui pardonner les clichés sur les steppes puisque c’est son premier film comme réalisateur.

Dans la cuvée 2023, j’ai été charmée par le film iranien NUMB d’Amir Toodehroosta et les yeux des protagonistes enfants. Tout est à la hauteur de leurs yeux. Sauf les dialogues finement ciselés et joués parfaitement par les enfants dirigés magnifiquement  pour que l’enjeu du film devienne politique. Que voit le naïf Rohan? Il voit l’absurdité des lois religieuses, l’ineptie de la séparation garçon et fille, la souffrance cachée de la petite Rana dont il tombe amoureux, la violence des rapports de domination.

Si ces films sortent en salle, n’hésitez pas! On se rencontrera sans doute! Les voir une deuxième fois me permettra d’attendre le FIFF 2024 où vous irez  peut-être parce que vous aimez le cinéma qui émeut, qui interroge, qui mouille les yeux, qui met à nu et qui nous rend plus vivants.

Publié le 25 mars 2023