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AMÉLIE NOTHOMB, LES OISEAUX ET LA MORT

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Comme Orphée et Hermès, les psychopompes escortent les âmes, ils traversent la mort et en reviennent...

 


L'OISEAU PSYCHOPOMPE, C'EST MOI!

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«Psychopompe» d’ Amélie Nothomb, paru chez Albin Michel, août 2023.

L'un des livres dont il sera question lors de notre prochaine rencontre Les livres qu'on M, le mercredi 24 janvier à 19h, à la librairie mille et deux feuilles, Zürich


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Après «Soif» et «Premier sang», consacrés l'un au Fils (le Christ), l'autre au Père (le sien), Amélie Nothomb clôt sa trilogie christique avec le Saint-Esprit, figuré par un oiseau psychopompe (elle-même), passeur d'âmes entre la vie et la mort. Ce roman intime et métaphorique ouvre les espaces secrets de son œuvre.

UNE ROMANCIÈRE CONTESTÉE
Amélie Nothomb peut séduire ou agacer. Son écriture se joue des ellipses avec agilité puis frôle la surface d’une pensée aboutie. Certains ressortent frustrés par ses cascades, d’autres s’émerveillent de la fulgurance des formules à l’emporte-pièce. Une chose reste certaine: Amélie Nothomb s’est imposée dans le paysage fictionnel francophone autant par l’originalité de ses thèmes insolites que par l’incongruité de ses attitudes déjantées.

UN PARCOURS ÉPROUVANT
Son dernier roman «Psychopompe» ne faillit pas à la règle. Lu d’une traite, il vous submerge d’impressions éparses. Comme souvent, le fil autobiographique forme le support du récit et garantit le décor. Amélie, enfant de diplomate, fut colportée de Pékin à New York puis au Bangladesh. En traversant ces paysages contrastés, elle subit des chocs culturels et sensoriels et développa une acuité émotionnelle dangereuse, avant de sombrer dans le déséquilibre complet et en sortir grâce à une pratique obsessionnelle de l’écriture.

UN MOMENT DE SIDÉRATION
Les épisodes violents ou drôlissimes alternent, le roman rebondit. Impossible de s’arrêter. Amélie sait raconter l’histoire de sa vie sans jamais se répéter vraiment. Chose nouvelle, elle ajoute ici le récit d’une découverte, celle des oiseaux. Elle envie leurs chants, admire leur envol, sans pouvoir les suivre, en reste sidérée jusqu’au moment où l’écriture autorise la montée vers l’azur, la rencontre des âmes, la cohésion physique et mentale. La littérature lui permet de communiquer au-delà du temps qui passe.

UNE PASSEUSE D'ÂMES
Amélie est psychopompe, «capable de présence pour accompagner les défunts», car la mort n’est pas la cessation du mouvement. Elle commence à «cultiver l’oiseau en elle, approfondir son pouvoir». Elle ne recule devant aucune hypothèse métaphysique et nous laisse deviner l’indicible. (L.H.A 01/2024)

Publié le 7 janvier 2024