→ CINÉMA

PERFECT DAYS

jonone1 280

jonone2 280

jonone3 280

Perfect days


L'ART DE LA LITOTE

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Un film de Wim Wenders, Japan, 2023, 123'

Synopsis:
Hirayama reinigt öffentliche Toiletten in Tokio. Er scheint mit seinem einfachen, zurück-gezogenen Leben vollauf zufrieden zu sein und widmet sich abseits seines äusserst strukturierten Alltags seiner Leidenschaft für Musik, die er von Audiokassetten hört, und für Literatur, die er allabendlich in gebrauchten Taschenbüchern liest. Durch eine Reihe unerwarteter Begegnungen kommt nach und nach eine Vergangenheit ans Licht, die er längst hinter sich gelassen hat.


→ PRINT


PORTRAIT DE L'ANTIHÉROS
Dans un quartier pauvre de Tokyo, un homme seul est réveillé tous les matins par le balayage des feuilles mortes. Suivront le rangement du tatami, une toilette rapide mais soignée, l’arrosage des bonzaïs. Et soudain le dos de la combinaison vite enfilée apparaît à l’écran: Tokyo Toilet. Cet antihéros est un employé municipal dévolu aux tâches de nettoyage des lieux d’aisance de la ville. Il ouvre la porte.

RESTER ATTENTIF À LA BEAUTÉ
Après un temps d’arrêt sur le seuil, ses yeux fixent le soleil, les arbres, leurs ombres, leur frémissement. Son visage s’éclaire. Pas un mot depuis le début, mais tout est dit: Hirayama néglige la réalité. Les bruissements, le vent, la lumière suffisent à sa sérénité. Un café à la machine automatique, et le voilà au volant de sa camionnette. La musique des cassettes obsolètes emplit l’habitacle, un sourire répond au plaisir auditif malgré la grisaille de la zone urbaine.

UNE BESOGNE INGRATE DANS UN CADRE SUBLIME
Puis la journée passe de nettoyage en récurage de ces toilettes propres et stylées, témoins d’une nouvelle conception citadine tokyoïte, tout en volume et en transparence. À noter que chacune est différente et harmonieuse, étonnants chefs-d’œuvre de Shigeru Ban, un architecte mondialement connu. Hirayama en a-t-il conscience?  Sans doute, car il s’applique à respecter leur hygiène irréprochable au rythme d’une chorégraphie précise.

TOUT EST ROUTINE
Les visiteurs défilent et le saluent poliment. Pas de mépris. Hirayama leur laisse la place en contemplant les arbres. Il prend souvent des photos. Plus ou moins identiques. Et chaque soir la routine se poursuit: un long passage de purification aux bains publics, suivi d’un en-cas dans une buvette où s’active un serveur sympathique. Une visite au libraire, un commentaire perspicace sur un livre dévoré avant de s’endormir et tout se devine: l’intellect d’Hirayama, sa gentillesse respectueuse, sa recherche d’équilibre.

QUELQUES ÉPISODES ESSENTIELS
Les heures s’égrènent dans la monotonie, interrompues par quelques événements minuscules et pourtant cruciaux: le salut fugace d’un enfant honteux de l’indifférence de sa mère, la bise inattendue d’une jeune fille touchée par la musique de Patti Smith, l'arrivée d’une petite-nièce fugueuse et tendre, le repas du week-end dans un restaurant tenu par ce qui ressemble à une amie, une rencontre au bord du fleuve. Quelques allusions et nous comprenons: cette existence résulte d’un choix douloureusement volontaire. Cause inconnue. Qu’importe. Puis tout recommence à l’identique dans une atmosphère de bienveillance.

SE PRENDRE AU JEU
«Perfect days» est un film insolite, poétique, au cadrage impeccable, avare de mots superflus et d’explications moralisatrices, bouleversant d’humanité. Vous y attendez l’événement qui n’advient jamais, puis vous vous mettez à l’affût du détail et vous prenez au jeu, comblé par la subtilité du final. Vous sortirez très désorientés, mais vous repenserez plus tard à tant de choses!
L.H.A 01/2024

Publié le 14 janvier 2024