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PAUL NIZON: DER NAGEL IM KOPF

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jonone2 280De Zurich au Larousse

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S'ARRACHER AU SILENCE ET DOMPTER LE MONDE

Texte: Valérie Lobsiger


PAUL NIZON, der Nagel im Kopf, un documentaire de Christoph Kühn (CH 2020, 80 mn) sur les écrans suisses alémaniques à partir du 10 septembre prochain.

Vendredi 4.09.20 à 12h15 au Paris à Zurich et Lundi 7.09.20 à 18h au cinéma Rex de Berne en présence du réalisateur et de Paul Nizon

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«S’arracher au silence» pour atteindre l’essence de l’être»

L’ÉCRITURE EST SA RÉALITÉ, LA SEULE QUI VAILLE LA PEINE DE VIVRE. Pour elle, à 30 ans, il a tout abandonné. Paul Nizon, écrivain suisse né à Berne en 1929, se confie à la caméra de Christoph Kühn, contant ses victoires (il a réussi à s’imposer en France et n’est pas peu fier de figurer au Larousse) mais aussi ses côtés sombres (son agressivité et sa négativité qui le portaient autrefois à la rupture, Odile, son «intoxication amoureuse», son dernier projet avorté, un «livre-cadavre»). Poussé par une ambition folle – il n’a jamais eu le moindre de doute quant à ses dons et n’avait qu’un but: devenir poète et le plus grand des écrivains – il quitte dans les années 70 tout ce qui le freine dans son accomplissement: la maison qui l’engloutit «dans ses plis», les enfants qu’il a eus alors qu’il était encore étudiant, l’épouse devant laquelle il «joue déjà la comédie dans un état de mauvaise conscience chronique», Zurich qui lui donne l’impression de n’être qu’une «classe d’écrivains» ultra protégée, la Suisse stagnante et conservatrice. Pour lui, «écrire ne peut se faire qu’en étant totalement coupé du monde». Paradoxe: il quitte une «boîte» pour aller s’enfermer dans une autre (il nomme «Schachtel-Zimmer» son premier logement à Paris). Mais s’il a choisi celle-ci, c’est pour fuir l’ennui, jouir pleinement de sa solitude et de sa liberté, et c’est là toute la différence.

LA VIE ET LA LITTÉRATURE SE CROISENT constamment dans ce documentaire de belle facture. Des documents d’archives des chaînes de télévision SRF et ARD ainsi que du Literarisches Colloquium (LCB) Berlin témoignent de la ligne cohérente de l’homme. Loin de se déjuger, Paul Nizon avoue avoir aujourd’hui une vision de la société encore plus noire. Des extraits en voix off de ses œuvres («Canto», «Stolz», «L’Année de l’amour», «Chien»…) alternent avec ses révélations, confirmant que ce qu’a vécu cet artiste constitue le fondement de sa littérature.

APPROCHER DU MYSTÈRE
Christoph Kühn reconstitue pour l’écrivain sa première chambre au 20 rue Simart dans le XVIIIe arrondissement (Nizon en reste baba). Il met en scène son antipathique voisin d’alors qui nourrit à sa fenêtre un seul pigeon, chassant tous les autres avec férocité, ainsi que le clochard cent fois croisé sur le trottoir ou dans le métro, cet alter ego dont le côté radical lui plaisait: un étranger qu’il s’imaginait tout à fait devenir et lui permettrait de s’acheminer «vers le fond de son être, approcher du mystère».

DOMPTER LA RÉALITÉ
A travers ce film, le spectateur approche à son tour la façon dont un artiste peut s’y prendre pour «dompter la réalité». Surmonter la difficulté qu’on éprouve à vivre et à communiquer, connaître le soulagement que procure ne serait-ce qu’un instant l’appréhension du monde, cela concerne tout un chacun.

VL_ 04/09/2020