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EN FANFARE
Deux frères qui ont la passion de la musique en partage
La fanfare sans chef d'orchestre
Sabrina saura-t-elle ramener Jimmy à la raison?
Thibaut au sommet de son art
Thibaut ne lâche jamais, surtout pas son frère
Thibaut sait conduire un orchestre mais pas une voiture
Fier défilé de l'Union musicale des mines au concours de Hazebrouck
DEUX FRÈRES QUI ONT L'AIR ET LA CHANSON...
Texte: Valérie Valkanap
EN FANFARE, un film d’Emmanuel Courcol (France, 2024, 1h43) crève les écrans suisses alémaniques depuis le 26 décembre dernier.
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LA VIE EST PLUS BELLE QUAND ON EST CONTENT DE SON SORT. Thibaut (Benjamin Lavernhe, épatant de retenue) chef d’orchestre à renommée internationale, a urgemment besoin d’une greffe de moelle osseuse. La chance de réussite est d’une sur quatre si le donneur est membre de la famille, une sur un million sinon. Ce problème de santé lui fait découvrir qu’il n’a aucun lien de parenté avec sa sœur, potentielle donneuse, mais qu’il a par contre un frère, Jimmy (Pierre Lottin), placé, enfant, au sein d’une famille ouvrière. Le ressentiment de Thibaut est grand («ça me tue, le mensonge!»), mais celui de Jimmy, qui ne sait pas se maitriser, semble pire («Toi, à trois ans, on t’a mis au piano, et moi on m’a mis chez Claudine»). Lui qui joue du trombone et «bricole des trucs au piano» dans son garage, réalise qu’il aurait pu avoir une vie bien différente si seulement il avait été élevé dans un autre milieu. On craint un film manichéen de style Le Quesnoy contre Groseille; il n’en est rien.
«A WALINCOURT, C’EST FANFARE OU FOOT». Autrement dit, dans la ville économiquement sinistrée du nord de la France où vit Jimmy, les distractions sont limitées. Oui, mais quelle ambiance chaleureuse dans cette fanfare de l’usine minière, par ailleurs en cours de démantèlement. On s’y engueule copieusement (on doit composer avec les mauvais coucheurs) mais à la fin, on est quand même solidaires car il faut bien se mettre d’accord en vue du concert. En tant que française, on rit car on reconnait bien là le penchant gaulois pour la querelle, voire l’échauffourée. Ceux qui adhèrent à un club autour d’une passion commune, qu’elle soit danse, théâtre, qi gong, kirigami, cuisine ou autre, pourront confirmer à quel point ce remède à l’isolement social procure de satisfaction sur le plan personnel.
«JE NE SUIS PAS UN CADEAU», dit Jimmy en parlant de lui. Et c’est peut-être bien là l’origine de sa profonde insatisfaction. Si les parents n’offrent pas à l’enfant la sécurité de leur affection, comment pourra-t-il s’accepter et se débrouiller tout seul ensuite? Jimmy, doté de l’oreille absolue, va vouloir copier son frère si doué. C’est ainsi qu’en cachette, il se met à travailler une nouvelle partition tard dans la nuit. Mais c’est faire bien peu de cas des années de travail, discipline et acharnement mêlés, indispensables (mais non suffisantes) à la réussite. A l’heure du tout-au-clic, il est bon de rappeler que celui qui voudrait prendre un raccourci, que ce soit par ignorance, paresse ou opportunisme, doit envisager un probable échec. Viser haut est un atout, mais rester réaliste est souhaitable.
JIMMY CONTINUERA-T-IL POUR AUTANT À SERVIR DE LA PUREE TOUTE SA VIE? On l’ignore. En revanche, il est certain qu’il va développer ses dons, ce qui lui apportera beaucoup de contentement et renforcera sa confiance en lui. Il peut compter pour cela sur le soutien et les encouragements de Sabrina (émouvante Sarah Suco). On apprécie dans ce film la référence au contexte social, non esquivée sans être pesante, ainsi que les clins d’œil aux querelles de clocher entre troupes et/ou activités concurrentes attisées par un maire ayant ses préférences. Où l’on apprendra que Ravel ayant écrit son Boléro après avoir visité une usine, cela fait sens de le jouer dans un tel endroit. Dans toute épreuve, il faut savoir tenir bon et ne jamais baisser les bras. A force de s’entêter, on arrivera bien à quelque chose, non? Un cliché peut-être, mais qui fait du bien et renforce le moral. (V.V, 5.01.25)
Publié le 6 janvier 2025