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DE RETOUR DE BIENNE

GETT

party gril affiche copy

MOMMY


IMPRESSIONS DU FESTIVAL DU FILM FRANCAIS D'HELVETIE

Texte: Valérie Lobsiger


De retour de Bienne, où l’on soutient le français par un festival du film qui fêtait cette année ses dix ans d’existence.

Valérie Lobsiger a vu douze films, pour ma part, je n'en ai vu que deux... et ils sont l'un et l'autre à recommander: Der Kreis et Les combattants.


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Douze films francophones en trois jours, sur soixante projetés durant le Festival du Film Français d’Helvétie: voilà comment j’ai occupé mon dernier week-end. Parmi ces douze, huit m’ont plu: Deux jours, une nuit, des frères Dardenne, Les héritiers, de Marie-Castille Mention-Schaar, Gemma Bovery, d’Anne Fontaine, Elle l’adore, de Jeanne Herry, Saint Laurent, de Bertrand Bonello, Party Girl, de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, Pas son genre, de Lucas Belvaux, Bon rétablissement, de Jean Becker. Et deux se détachent pour moi nettement du lot, tant par leur talentueuse interprétation que par la tension affective réalistement suggérée : Mommy, un film canadien de Xavier Dolan, qui a remporté le Prix du Jury au festival de Cannes 2014 et Gett, le procès de Viviane Amsalem (France-Israël-Allemagne) de Ronit et Simon Elkabetz, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au même festival. Si ces deux films m’ont particulièrement touchée, c’est parce qu’ils ont trouvé en moi une résonnance profonde. L’un parle d’une mère, Diane (Mommy), l’autre d’une épouse, Vivianne (Gett) qui toutes deux souffrent d’être réduite à leur rôle et voudraient exister pour elles-mêmes.
Diane (Anne Dorval), veuve, en voit des vertes et des pas mûres avec son fils Steve (Antoine-Olivier Pilon) atteint de troubles sévères du comportement et expulsé d’un centre de rééducation à 16 ans ; Viviane (Ronit Elkabetz, co-réalisatrice) s’est pliée au despotisme de son mari Elisha (Simon Elkabetz, co-réalisateur et frère de Ronit!) pendant 20 ans et maintenant qu’elle a élevé ses quatre enfants, elle réclame le divorce... que le tribunal rabbinique (seul compétent en matière de statut de la personne en droit israélien), refuse de lui accorder sous toutes sortes de grossiers prétextes. Envers les autorités et la société en général, Diane a une attitude ouvertement frondeuse (ce en quoi son fils lui ressemble mais, nuance d’importance, lui ne sent pas quand il faut s’arrêter) tandis que Viviane se montre plutôt respectueuse et effacée, même si elle n’en est pas moins intérieurement résolue. Toutes deux sont des femmes droites qui ont accompli ce qu’elles pensaient être leur devoir et qui se disent un jour : j’ai tout donné et jamais rien reçu et maintenant, ça suffit. Diane a mauvaise conscience, elle est déchirée entre son amour pour son fils violent, dangereux, incontrôlable, et son envie légitime de souffler. «Même s’il pète un fuse» (un plomb) «moi, j’touche pas à mon gars», «c’est un number!» (un phénomène) dit-elle fièrement de Steve. Viviane, elle, éprouve une haine tangible contre ce mari qui la torture moralement par son mutisme, son attitude glaciale et intransigeante, son absence totale de sentiments. Même si les obstacles semblent insurmontables pour chacune d’elles, la détermination de ces deux femmes impose le respect et incite à l’introspection.
A l’opposé de ces femmes qui ont fait passer la famille avant elles-mêmes, il y a Angélique (Angélique Litzenburger, de la vie de laquelle le film s’inspire), l’héroïne de Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, caméra d’or du meilleur premier film, toujours à Cannes. Angélique, entraîneuse dans un cabaret, 60 ans, est en train de perdre son pouvoir de séduction en même temps que son gagne-pain. Femme indépendante, elle se résout cependant à se ranger lorsque un ancien habitué lui propose providentiellement de l’épouser. Mais le cœur n’y est pas… Cette femme libre et insouciante qui, toute sa vie, ne semble avoir écouté que son bon plaisir épate. Même si ses quatre enfants, eux, paraissent, même sans rancune aucune, en avoir gros sur le cœur, notamment la dernière qui a été confiée à une famille d’adoption…
Comme quoi, il faut toujours faire des choix dans la vie, spécialement quand on est une femme.
VL, 24.09.2014