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LIVRE: LES ÉVAPORÉS

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AIDER LES AUTRES À DEVENIR UN CLANDESTIN DANS LEUR PROPRE PAYS, UN METIER D’AVENIR AU JAPON ?

Texte Valérie Lobsiger


Les évaporés, de Thomas B. Reverdy
Flammarion éditeur, août 2013, 300 p


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AU JAPON D’APRÈS FUKUSHIMA, les pauvres sont devenus encore plus pauvres et la société dans son ensemble s’est précarisée: la catastrophe nucléaire a entraîné des milliers de morts et les survivants de la zone contaminée ont non seulement perdu leur logement mais ils continuent de payer les traites de maisons désormais inhabitables. La mafia japonaise gouverne de façon occulte le pays. La malversation économique et financière a remplacé la violence de rue et un nouveau prolétariat a vu le jour : les «déchargeux», chargés de déblayer la zone irradiée. Parce qu’ils ont perdu leur emploi et /ou ne peuvent plus payer leurs dettes, de plus en plus de gens «s’évaporent», c’est-à-dire qu’ils prennent la fuite, de nuit, sans laisser d’adresse. En général, on ne les retrouve pas et on n’entend plus jamais parler d’eux. La police n’enquête pas sur la disparition de ces personnes dont la fuite est vécue comme une honte par leur entourage. Dans ce roman, Reverdy se livre, sur un ton légèrement désabusé, à une véritable étude de société, ceci à travers les efforts (pas tout à fait vains) déployés par un détective privé américain, ne parlant même pas la langue du pays, pour retrouver la trace d’un de ces évaporés.

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COMPTABLE JONGLANT AVEC DES SOMMES IMPORTANTES, Kazehiro en sait trop. C’est pourquoi il se retrouve licencié du jour au lendemain. Comprenant qu’il est dans le collimateur des Yakuzas, la mafia japonaise qui contrôle la vie économique et sociale du haut en bas de l’échelle sociale, Kazehiro s’évapore, devenant ainsi «clandestin dans son propre pays».Il s’installe dans une pension à San’ya, un quartier de Tokyo où vivent les Johatsus (les évaporés) comme lui. En marge de la société, il monte une petite entreprise intitulée «Kaze débarras». Il se fait aider par Akainu, un gamin de 14 ans livré à lui-même depuis la disparition de ses parents durant la catastrophe nucléaire. Alertée par sa mère affolée, Yukiko, la fille de Kaze émigrée aux Etats-Unis, débarque, flanquée de Richard B., un ex petit ami «détective privé et poète», désespérément amoureux de Yukiko (et sous le charme de ses «cheveux japonais»). On s’attache au sort de Kazehiro, Akainu, Yukiko et Richard B., quatre personnages dont l’avenir semble bâti sur une faille prête à les engloutir. L’auteur en dresse un portrait psychologique d’une grande humanité.
VL août 2014