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UN FILM DE MARCEL GISLER

Texte: Valérie Lobsiger


DOCUMENTAIRE SUISSE (2014, 113MN) Sur les écrans alémaniques
dès le 27 novembre 2014


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ASSIS FACE A LA CAMERA, dos au mur, dans une pièce de son sobre appartement, Florian Burkhardt, trentenaire, répond aux questions qu’on lui pose. Il s’exprime souvent par onomatopées, ses mains s’animent sous le trop plein d’émotions rentrées. Il a l’air très content de parler de sa personne, mais quelque chose cloche. Se prend-il très au sérieux ou est-il gêné ? Ou les deux ? Il a failli être une star, et alors ? Quelques rires fusent dans la salle ; ils cesseront bien vite. C’est que son cas est tragique. Emblématique même d’une certaine jeunesse qui a grandi en contemplant son reflet dans le miroir. Et puis, c’est surtout un enfant qui a manqué d’amour et a cherché à sa façon la reconnaissance à laquelle il aspirait.

Interrogée sur l’homosexualité de son fils, maman détourne la tête et se tait. Papa répond que ce n’est «pas compatible avec sa religion». Si les rêves de Florian d’être acteur à Hollywood (4 mois passés à L.A.en 1996) ont fait long feu, il a su rebondir comme mannequin. Coqueluche des créateurs de mode qui se le sont arraché en 1998 (c’est vrai qu’il a une sacrée jolie petite gueule sans ses lunettes), le succès lui est très vite monté à la tête. Il faut dire qu’on doit l’avoir bien accrochée sur les épaules pour ne pas se croire «arrivé» (mais où, bon sang?!) quand on se met à rouler en limousine avec chauffeur. Peu à peu, on s’attache à ce personnage qui intrigue et fascine; on devine qu’à côtoyer la vacuité, il va finir par plonger.


ET PUIS C’EST LA PANNE qu’on appréhendait. A force de vibrionner (mais ce ne peut être la seule cause), Florian est pris d’une première crise de panique dans un taxi. Il n’arrive plus ni à marcher, ni à respirer et souffre de claustrophobie. Il se sent dépossédé de la possibilité d’exister. Un séjour à la clinique psychiatrique de Zurich en 2001 l’aide à reprendre pied mais de nombreuses phobies l’handicapent. Sa mère prétend ne pas comprendre, son père estime que c’est arrivé parce que son fils n’est «pas assez occupé». Florian résume ce qu’on avait compris dès le début: «mes parents et moi sommes incompatibles». Et, grâce à la persévérance du réalisateur, on prend enfin connaissance du drame familial soigneusement tu par une famille endeuillée. Les souvenirs de Florian remontent, douloureux. A partir de ce moment-là, la caméra se tourne un peu plus vers la mère qui, démasquée, commence à gentiment délirer… Le fils, même s’il se sent désormais libre, n’en est pas pour autant délivré de son angoisse. Grâce à Internet qui lui permet d’éviter tout contact physique direct (ils provoquent en effet une aggravation de son état d’anxiété), Florian survit. Depuis chez lui, il organise des soirées techno avec beaucoup de succès et comme sa tête est remplie d’images, il intéresse des publicitaires, tel Teophil Butz. Après tout, le visuel n’a-t-il pas pris le relais de la pensée comme le laissait récemment entendre Jean-Luc Godard, dans son dernier film Adieu au langage ?