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MERCI LES 3 M!

3-madeleines

 

 


MARCEL, MICHEL, MADELEINES

Texte: Corinne Roy


Une lectrice reste scotchée à la soirée «Dire Combray», pendant laquelle l’acteur Michel Voïta a raconté, le 12 décembre dernier à Zurich, trois extraits d’«A la recherche du temps perdu» de Marcel Proust.


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Ce soir-là, il y avait avec nous Marcel, Michel et un escadron de Madeleines. Un trio magique qui nous a fait sortir de notre vie quotidienne, pour nous faire voyager dans le pays du petit Marcel, à l’écoute de la nuit ou désespéré d’attendre sa mère pour un dernier baiser. Puis d’un Marcel plus âgé, déjà ailleurs mais à qui un morceau de gâteau ouvre soudainement toutes grandes les portes du souvenir et de l’enfance.

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DE LA CLARTÉ
Les trois fragments choisis d’«A la recherche du temps perdu » sont devenus vivants par la voix de Michel Voïta. Par ses gestes, ses intonations, ses mimiques, le comédien nous a apporté le texte de Proust sur un plateau d’argent: «Si nous avions lu les textes seuls, on les aurait avalés en ligne droite, sans vraiment comprendre. Là, c’était expressif, beaucoup plus clair!», m’ont dit, chacun à leur tour, mes deux enfants de 16 et 18 ans à la fin de la représentation.

La féérie de cette soirée avait commencé un jour plus tôt, dans notre cuisine, lorsque nous avions expérimenté deux recettes de madeleines. Avec quelques péripéties, puisque les récipients des deux pâtes furent vite confondus: la pâte confectionnée à partir de la recette de Le Nôtre se retrouva oubliée dans un coin de frigo, sans beurre, alors que celle recommandée par Cyril Lignac reçut sans broncher une double ration de graisse… Il fallut donc tout recommencer (Quelques rues plus loin, au même moment et dans une autre cuisine, une cuisinière tout aussi expérimentée s’aperçut qu’elle avait pris une farine spéciale pour pasta pour réaliser les mêmes petits gâteaux rayés. Dans sa deuxième version, elle s’aperçut juste avant d’enfourner qu’elle avait oublié les zestes de citron et dût tout ressortir).

LA PÂTISSERIE, ELLE AUSSI MAGIQUE!
Nos efforts ont finalement été récompensés quand, sous nos yeux ébahis, nous avons vu comment, dans la chaleur du four, apparait la fameuse bosse qui caractérise les madeleines. Car c’est ainsi: si l’on programme un «choc thermique» (le four passant en quelques minutes de 230 à 180 degrés), la pâte enfournée, d’abord choquée, se creuse puis elle remercie, en donnant naissance à un petit mamelon.

Désormais très compétente dans la gestion des madeleines, il ne me reste plus qu’à espérer que Michel Voïta prenne la généreuse habitude de venir tous les ans à Zurich, avec quelques nouveaux extraits d’ «A la recherche du temps perdu».
Il n’a que l’embarras du choix puisque l’œuvre  contient plus de 1.250.000 mots. Dans quarante ans sans doute, nous devrions l’avoir complètement visitée, et, dans le silence absolu qui s’en suivra, nous pourrons formellement affirmer: «oui, Monsieur Proust, vous avez tout compris. C’est vraiment comme ça, la vie!».