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EDWARD HOPPER

jonone1 280 Edward Hopper, Cape Cod Morning, 1950 - Huile sur toile - 86.7 x 102.3 cm - Smithsonian American Art Museum, Gift of the Sara Roby Foundation © Heirs of Josephine Hopper / 2019, ProLitteris, Zürich. Photo: Smithsonian American Art Museum, Gene Youngjonone2 280 Edward Hopper Lee Shore, 1941 - Huile sur toile
71.8 x 109.2 cm - The Middleton Family Collection © Heirs of Josephine Hopper / 2019, ProLitteris, Zürich- Photo: © 2019. Photo Art Resource / Scala, Florencejonone3 280 Edward Hopper, Gas, 1940
Huile sur toile 66.7 x 102.2 cm - The Museum of Modern Art, New York, Mrs. Simon Guggenheim Fund © Heirs of Josephine Hopper / 2019, ProLitteris, Zurich © 2019 Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence


QUELQUES IMPRESSIONS

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Edward Hopper (1882-1967)

A la fondation Beyeler jusqu'au 17 mai 2020
Plus d'infos: ici

Billets: 12.-, 20.-, 25.-
Gratuit pour les moins de 25 ans


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INCONGRUITÉ
Cette nouvelle exposition de la Fondation Beyeler rassemble quelques pièces majeures (le phare mythique de «Lighthouse Hill-1927 - ou la fameuse station-service du tableau «Gas» -1940-); d’autres, moins connues, représentent les côtes rocheuses de Lee ou la piste cavalière de Central Park. Une thématique commune cependant: le paysage, un choix inattendu concernant Edward Hopper. Sans chercher à éblouir, il s’agit de révéler l’avant-gardisme du travail de l’artiste tout au long de son existence. Dans les scènes extérieures, les détails inadéquats, incongrus se multiplient et le  surréalisme s’annonce. Le visiteur guette, imagine l’instant à venir.

SOLITUDE
Observons pour exemple le célèbre tableau choisi sur l’affiche, «Cape Cod Morning»-1950 -. Une femme de profil se tient debout dans l’oriel d’une maison. Elle est tendue, penchée en avant, mains en appui sur une table. Son regard perdu, semble se poser loin en dehors de l’espace pictural. Or la baie est triangulaire et le personnage bute en réalité contre un mur de soutien blanc, étroit, qu’on devine derrière le volet, en haut et en bas. Elle est confrontée à elle-même dans une atmosphère expectative inquiétante. Et si la demeure vibre de lumière intense, une menace imminente émane des ombres du jardin esquissées à gros traits par un pinceau expéditif.

ABSURDE
Chaque tableau restitue une ambiance plutôt que des lieux et pose une énigme: gare sans voie ferrée, tour de contrôle vide, poteau dépourvu de fils électriques, absence de portes et de fenêtres dans une demeure, panneau incliné sans point d’appui, phare abandonné au milieu d'une nature incommensurable, ombres portées à l’envers de ce que le soleil devrait produire, etc. L’œuvre d’Edward Hopper aux couleurs complémentaires tranchées présente un environnement déserté. L’homme isolé y vit son quotidien sur des bords de mer sans plage,  dans une villa à même le sol dont l'escalier ne mène nulle part. Et dans les cités désertifiées, se côtoient les bâtiments contradictoires, des pans de murs en perspective discutable ce qui suggère le manque d’interaction sociale.

TANT DE SENSUALITÉ…
Et pourtant la grâce, la sensualité envahissent l’atmosphère. Les voiliers se penchent élégamment au gré du vent unificateur, un couple se contemple, une femme dénudée s’abandonne à la brûlure du soleil. Le regard peine à se détacher de ces destins plausibles. Un court-métrage de Wim Wenders, admirateur d’Edward Hopper, est projeté à la fin de l’exposition. Il s’inspire des tableaux pour les mettre lentement en action et porte leur malaise latent à son paroxysme alors que le peintre préservait toujours une sérénité fugace. L’interprétation du cinéaste friserait-elle la trahison?
(L.H.A 11/02/2020)