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UN HIVER À SOKCHO

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L'ENCRE COULE SUR LE PAPIER AVEC UNE PLUME ACÉRÉE

Texte: Laurence Hainault Aggeler


L'auteure est à Zurich le mardi 6 décembre à 19h30 à la Literaturhaus pour discuter avec son traducteur : https://www.auxartsetc.ch/agenda-total/tout/agenda-tout/11617-elisa-shua-dusapin

Il sera surtout question de son roman suivant: «Les billes du Pachinko»


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«Ce qui sculpte une image, c'est la lumière. En regardant bien, je me suis rendu compte qu'au lieu de l'encre, je ne voyais que l'espace blanc entre deux traits, l'espace de la lumière absorbée par le papier, et la neige éclatait, réelle presque».

AU CREUX D'UN HIVER GLACIAL...
… survit une petite ville portuaire à la frontière des deux Corées: les rues sont pouilleuses et sombres, les échoppes grouillantes et les étals de poisson dégagent une odeur nauséeuse.

TOUT COMMENCE PAR L'ARRIVÉE DE YAN KERRAND
Dans une pension sordide de ce coin reculé, un Français débarque. Né en 1968 (année conforme à son goût pour la marginalité rebelle), c’est un créateur de bandes dessinées. L’année où se déroule l’histoire nous est inconnue, l’âge du dessinateur reste donc flou. Peu importe. Sa détresse constitue le vrai nœud d’une intrigue intime quand l’artiste en quête d’inspiration plonge dans l’irréalité, sans répondre à l’appel du vivant désirable.

UNE RÉALITÉ INCARNÉE PAR LA NARRATRICE
23 ans, réceptionniste et bonne à tout faire dans la même pension, son nom n'est pas cité … encore du flou. Quelques figurants gravitent: le directeur de l’hôtel, le petit ami insipide, une mère trop différente. Ils ne nous apprennent pas grand-chose. La belle métisse franco-coréenne nourrit trop d’angoisses et ses attentes apparaissent au fil des confidences au lecteur. Les recettes asiatiques complexes se succèdent dans un rapport excessif à la nourriture. L’héroïne cuisine, puis ingurgite à l’excès, elle veut retenir la vie, empêcher la fuite de Kerrand.

MOMENTS SUSPENDUS
Leurs dialogues rebondissent d’une allusion à l’autre, ricochent sur l’essentiel. Flottements, brèves attirances charnelles aussitôt repoussées. Révolte éphémère: «Il n’avait pas le droit de partir, de s‘en aller avec son histoire. De l’exhiber de l’autre côté du monde. Il n’avait pas le droit de m’abandonner avec la mienne qui se dessécherait sur les rochers.»

UNE HISTOIRE D'AMOUR, DE DÉSIR, DE CONNIVENCE EXTRÊME?
Impossible de savoir tant les faits entrent en collision sans prévenir. La douleur se diffuse. Aucun adjectif qualificatif dans cette écriture au hachoir, pas de jugement intrusif. L’encre coule sur le papier avec une plume acérée. Le temps passe. Le rêve prend le dessus. On se prend à lire avec le cœur.

L.H.A 12/2022