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«CABANE»
POUVONS-NOUS CONTINUER À DANSER AU BORD DE L'ABIME?
Texte: Laurence Hainault Aggeler
Le livre est sorti en août 2024 aux éditions de l'Observatoire. 480 pages.
C'est le troisième roman d'Abel Quentin
Nous en avons discuté dans le cadre de notre rencontre: «Les livres qu'on M: La littérature d'idées.» qui a eu lieu à la librairie mille et deux feuilles le mardi 11 février 2025.
LE CADRE
Tout commence dans le milieu universitaire des années 70 où les chercheurs surdoués côtoient les professeurs pragmatiques, arrivistes ou déjantés. Au cours de ces années permissives, il faisait bon vivre sur le campus américain de Berkeley, malgré un laisser-aller érigé en art de vivre. Dans ce cadre, quatre assistants vont recevoir une tâche d'ampleur: établir, grâce au premier ordinateur, un diagnostic des limites de la croissance économique et démographique. Le projet est commandité par un groupe de réflexion soucieux du devenir social d’un monde de plus en plus industrialisé.
UNE RÉVÉLATION STUPÉFIANTE
Les étudiants dûment sélectionnés se consacrent à 18 mois de labeur acharné sous la direction d'un professeur qui allie la compétence à une bonhomie de façade. Après maintes vérifications, les résultats de leurs calculs sont consignés dans un rapport alarmant et leur stupéfaction se transforme en angoisse. L'équipe de recherche vient de découvrir que le monde court à sa perte.
RÉINVENTER L'HISTOIRE
Basé sur l'histoire du rapport du Club de Rome, mieux connu sous le nom de rapport Meadows, Abel Quentin romance l'aventure en s’infiltrant dans l’âme des protagonistes. Les personnages sont réinventés pour caricaturer l'insouciance des seventies face au cynisme des responsables économiques du désastre actuel.
QUATRE DESTINS
Abel Quentin donne la nationalité française à l’un des chercheurs. L’entorse permet au romancier de camper le prototype de l'ambitieux sorti d'une grande école parisienne. Son défaut: un besoin viscéral de succès. Le jeune loup met sa conscience en veilleuse pour s'enrichir au sein d’une industrie polluante. Deux autres assistants américains se marginalisent après avoir consacré plusieurs années de militantisme à raisonner les tenants du capitalisme débridé. Un échec malheureusement programmé vu l'opposition des milieux financiers. Le dernier chercheur, un Norvégien, préfère l’isolement. Il finit par se réfugier dans une cabane avant de sombrer dans la folie.
UN VRAI ROMAN D'IDÉES
L’ironie préserve le récit d'une dérive pamphlétaire. Abel Quentin estime que notre mode de vie arrive à son terme. Un avenir «simplifié» ne lui semble pas dépourvu d’attrait. Que nous suggère-t-il en filigrane? 2050 c'est demain. Construisons notre cabane mentale pour fuir, nous isoler, nous protéger. Vivons sans compromis dans une intégrité radicale, en solidarité, en écho à d'autres cabanes, comme celle du philosophe naturaliste Thoreau retiré à Walden. Derrière la colère et l’effroi, affleure un espoir sincère.
L.H.A 02/2025
Publié le 23 mars 2025_ scz