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LE PROCÈS DU CHIEN

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jonone2 280Avocate d'un chien si humainjonone3 280Avril et Dariuch, son client propriétaire du chien
le chien va t il pouvoir exprimer les motifs qui lont poussé à mordre 280Le chien va-t-il-pouvoir exprimer les motifs qui l'ont poussé à mordre?
Les gens se passionnent et se déchirent pour ou contre la cause du chien
Les gens se passionnent et se déchirent pour ou contre la cause du chien
Un comportementaliste qui va si loin dans la compréhension du chien quon en est mal à laise
Un comportementaliste qui va si loin dans la compréhension du chien qu'on en est mal à l'aise



POURQUOI A-T-IL MORDU?

Texte: Valérie Valkanap


«Nous ne sommes pas propriétaires des êtres vivants, Monsieur le Juge, nous en faisons partie!»

Un film dérangeant qui cultive le nonsense sur la question de l’intériorité du chien.

LE PROCÈS DU CHIEN

Un film de et avec LAETITIA DOSCH (2024, 80 mn, CH, F),

Sur les écrans suisses alémaniques à partir du 3 avril 2025


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LE CHIEN N’EST PAS UNE CHOSE, il a des besoins propres. C’est ce que veut démontrer Avril (convaincante Laetitia Dosch), avocate abonnée aux causes perdues d’avance. Souffrant d’un excès d’empathie doublé d’un manque flagrant d’assurance, elle s’est laissée attendrir par Cosmos, un chien qui a mordu une femme au visage et risque de ce fait l’euthanasie. Dariuch (François Damien, un tantinet excessif en maître) encourt, lui, 10’000 fr. d’amende, plus le remboursement des frais de chirurgie esthétique à Lorene (Anabela Moreira), la victime. On entend la voix off d’Avril, façon Bridget Jones, ce qui nous place d’emblée dans la peau de la narratrice et nous prédispose à la compréhension.

QUEL MAÎTRE SE PRÉOCCUPE VÉRITABLEMENT des besoins de son chien? La plupart d’entre nous aspire juste à l’amour inconditionnel de l’animal. Avril, elle, va chercher à communiquer avec lui pour comprendre comment il en est arrivé à mordre Lorene. Se moque-t-on ici de notre tendance à vouloir expliquer tous nos maux par l’existence d’un traumatisme à leur source? La scène où le chien aboie sur sa chanson préférée comme s’il était sensible à la détresse humaine manque tout autant de parti pris. S’agit-il ou non de second degré? C’est en tout cas l’occasion de montrer quelques scènes drôlissimes avec Marc, le comportementaliste du chien (sympathique Jean-Pascal Zadi), pris en flagrant délit d’affabulation. On rit aussi de la trouvaille de «L’université d’Appenzell» qui a inventé un prototype à grosses touches rondes et colorées pour traduire en mots les pensées du chien.

ON ASSISTE TRÈS VITE À UN DÉCHAÎNEMENT DE HAINE sur les réseaux sociaux entre partisans et ennemis de la cause du chien. Car le procès ne tarde pas à semer la zizanie dans la petite ville suisse (on croit reconnaître Lausanne) où il se déroule. Les tensions avec la police dégénèrent en émeutes et vandalisme. Le motto de l’insécurité est aussitôt brandi par un parti qui joue sur la peur des électeurs pour récupérer leurs voix. Cette partie outrancière du film est la meilleure, car elle nous fait clairement réaliser la déshumanisation en cours dans nos sociétés. Un débat d’idées n’est-il pas censé nous rendre, sinon plus intelligents, du moins plus tolérants, et non nous faire nous écharper dans un étalage consternant de bêtise et grossièreté? On suit, médusé, ce procès absurde. Comment tout cela va-t-il finir? Dans un monde déboussolé où chacun se croit tenu d’avoir une opinion sans se questionner plus avant, une telle perte de repères est préoccupante.

LIVRER UNE SATIRE DE NOTRE SOCIÉTÉ est un projet ambitieux. Le sujet choisi pour ce faire, drôle et dérangeant à souhait, est original. Un chien jugé comme un individu, c’est inédit et cela aiguise aussitôt l’intérêt. Le problème est que le film se veut en même temps défenseur d’une cause englobant celle animale et cela brouille parfois notre perception. L’œuvre n’en reste pas moins mordante. Elle s’attaque à beaucoup de questions brûlantes évoquées pêle-mêle tel le féminisme, la crise écologique, l’intellectualisme (un comité éthique est constitué pour s’interroger sur l’existence de l’âme du chien, tout comme les philosophes des siècles passés se posaient la question de celle …des femmes), la maltraitance des enfants, la place des immigrés dans notre société, le pouvoir des réseaux sociaux, la récupération politique et bien sûr, l’individualisation des animaux. L’intention de la réalisatrice, poser la question du monde dans lequel nous voulons vivre, est louable. Le souhait d’une société où la singularité de chacun serait respectée laisse songeur tant il est utopique. Mais justement, le patron d’Avril ne lui glissait-il pas au début: «la seule limite à tes rêves, c’est toi»? Cela vaut la peine d’y réfléchir. V.V. 3.04.25

Publi le 4 avril 2025.