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NOUVELLES DE BERNE
QUESTIONS À VALÉRIE VALKANAP
Texte: Aux arts etc.
Le livre sort le 8 septembre en librairie aux éditions Glyphe: https://www.editions-glyphe.com/livre/des-nouvelles-de-berne/
L'auteure sera présente à la foire du livre de Charmey les 20 et 21 septembre et présentera ce livre. Des rencontres auront également lieu dans d'autres villes. A Berne par exemple, ce sera le 4 novembre à la librairie Libromania.
Aux arts etc. (AAE):
C’est ton deuxième volume de chroniques relatives à ta ville d’adoption, Berne. As-tu de nouveaux postes d’observation?
V.V.: Mes postes d’observation n’ont pas changé: la rue, les bistrots, les voisins, les cabinets médicaux, le magasin où j’ai la joie de travailler, les milongas que je fréquente, la troupe de théâtre ou les groupes de dessin dont je fais partie… Il est vrai qu’ils se sont élargis avec le temps. D’une part, je côtoie régulièrement la jeune génération grâce à mes filles, 26 et 30 ans, desquelles je suis très proche (quand j’ai commencé ces chroniques dans «Le Courrier de Berne», elles étaient encore enfants). J’ai cette chance de les rencontrer souvent, elles et leurs amis. D’autre part, je travaille depuis deux ans, sur mandat ponctuel, pour une entreprise de restauration. Nous livrons des repas pour des mariages, fêtes d’entreprise, enterrements et autres cérémonies. C’est l’occasion pour moi d’ouvrir grands mes yeux et mes oreilles.
AAE:
Ta façon de voir a évolué au cours des dernières années. Portes-tu un regard plus dur sur ton environnement?
V.V.:
Je ne dirais pas plus dur parce que je pense avoir de la compréhension pour les autres et je me mets facilement à leur place. Peut-être que mon regard s’est aiguisé et que je suis devenue plus attentive au fil des ans. Quand j’ai commencé ces chroniques, j’étais jeune maman, je réalisais des traductions en indépendante, à la maison, et sortais peu.
AAE:
En quoi tes histoires sont-elles typiquement bernoises? N’as-tu pas l’impression que certaines d’entre elles, comme l’échange de portables entre les «amoureux», pourraient avoir lieu n’importe où en 2025?
V.V.:
C’est bernois… parce que ça se passe à Berne! Tu as raison, la plupart de mes histoires pourraient avoir lieu n’importe où. Il en reste bien quelques-unes où j’ironise encore un peu sur l’inflexibilité de mon entourage, où je souffre de son manque de spontanéité, où les valeurs nationales telles que travail ou tradition me pèsent, mais dans l’ensemble, j’ai fait le tour des vertus suisses et je crois que je les ai si bien acceptées que j’en suis venue à les pratiquer (rires).
AAE:
Est-ce qu’écrire t’incite à avoir un regard plus perçant sur le quotidien?
V.V.:
En ce qui me concerne, c’est comme une gymnastique. J’ai remarqué que plus je pratique, moins je peine à trouver mes mots. Noter des choses comiques, étranges, choquantes dans un coin de ma tête, je l’ai toujours fait et ce n’est pas là la difficulté. La difficulté, c’est lutter contre l’oubli, la paresse, se coller à sa table et transformer ce qui interpelle sur le moment en une histoire qui parlera à tout le monde (du moins c’est mon but).
AAE: Est-ce que les gens que tu côtoies craignent de se retrouver sous ta plume?
V.V.:
Je veille à maquiller suffisamment les événements, les personnes, les décors pour que personne ne puisse se sentir mal à l’aise, ça m’aide d’ailleurs à prendre du recul. Ce qui importe, pour finir, c’est le comportement des gens.
AAE:
As-tu le sentiment que nous sommes de plus en plus contrôlés mais qu’il y a des moyens de détourner cette surveillance tout azimut?
V.V.:
Contrôlés via les empreintes digitales que nous laissons un peu partout, peut-être pas encore, mais suivis, certes. Pour des raisons publicitaires afin que nous consommions plus, cela ne fait aucun doute. Mais une fois tracé le chemin à nos données, le but pourrait subitement changer sans avertissement. L’exemple de la Chine où le contrôle social et politique de l’Etat se fait de plus en plus via les smartphones fait froid dans le dos. Mais il n’y a pas que la Chine. Les géants américains de la tech avec leur vision du monde très spéciale (cf la récente série du Temps sur les croyances 100% artificielles de la Silicon Valley) m’inquiète aussi. Il n’y a qu’un moyen de détourner cette surveillance, c’est de ne pas passer sa vie sur ces engins électroniques et de n’y recourir qu’en cas de nécessité, avec discernement.
AAE:
Merci infiniment pour tes réponses et belle vie à ce deuxième volume de nouvelles bernoises. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.
Publié le 10 août 2025. Complété le 12 septembre.